La piste de l’ammoniac mène aux exoplanètes

Le consortium de laboratoires qui a développé l’instrument MIRI du JWST bénéficie de temps garanti d’observations. Le Département d’Astrophysique du CEA qui fait partie du consortium a défini et coordonne le programme d’observations des exoplanètes. Parmi les objets sélectionnés, quelques naines brunes qui sont d’excellents proxy pour étudier les exoplanètes géantes, notamment celles qui orbitent loin de leur étoile, bien plus loin que les planètes de notre système solaire. En effet les processus physiques et chimiques qui régissent les naines brunes sont très semblables. Les premiers résultats concernant la naine brune froide W1828 viennent d’être publiés dans la revue Nature. En pointant le télescope spatial James Webb (JWST) vers cet objet, une équipe de chercheurs incluant des chercheurs du DAp-AIM, a pu mesurer avec l’instrument MIRI et, pour la première fois, les isotopologues de l’ammoniac dans l’atmosphère d’une naine brune froide, ouvrant la voie vers une meilleure compréhension de la formation des exoplanètes

Ces résultats ont été publiée dans la prestigieuse revue Nature.

Les Naines Brunes, ces astres entre planètes et étoiles

Figure 1 – Illustration d’artiste de la naine brune froide WISE J1828, montrant les molécules d’eau (H20), de méthane (CH4) et d’ammoniac (NH3) détectées dans le spectre obtenu avec le JWST. 

Crédit ETH Zurich / Polychronis Patapis

 

Les naines brunes sont des corps célestes situés à la frontière entre les étoiles et les planètes. Leur masse est insuffisante pour amorcer la fusion thermonucléaire de l’hydrogène en leur cœur, comme le font les étoiles, mais suffisante pour amorcer la fusion du deutérium, contrairement aux planètes. À bien des égards, ces astres ressemblent à des planètes géantes gazeuses, ce qui en fait d’excellents laboratoires pour l’étude des exoplanètes.

 

La naine brune WISE J1828 se trouve à 32,5 années-lumière de la Terre, dans la constellation de la Lyre. Son rayon n’est supérieur que d’un tiers à celui de Jupiter, pour une masse 15 fois plus grande. Avec une température de surface de seulement 100 degrés Celsius, elle fait partie de la classe spectrale Y, dont les atmosphères sont dominées par l’absorption de l’eau, du méthane et de l’ammoniac. À ces températures, l’émission lumineuse de ces naines brunes culmine dans l’infrarouge moyen. L’arrivée du JWST va révolutionner l’étude de ces astres car son capteur infrarouge MIRI (Instrument infrarouge moyen) couvre toute leur plage lumineuse jusqu’alors difficilement observable.

L'isotope de l’ammoniac, un traceur de la formation des exoplanètes.

Figure 2 – Spectre de WISE J1828 mesuré par l’instrument MIRI à bord du JWST. On voit clairement les bandes d’absorption caractéristiques de l’ammoniac, des molécules d’eau et de méthane qui provoquent une atténuation du signal dans la plage de longueurs d’onde entre 9 et 13 μm, 5 et 7 µm, et autour de 7,6 µm respectivement. La région zoomée du spectre montre un exemple d’une bande d’absorption de 15NH3 identifiée avec la résolution du spectromètre MIRI. 

Crédit: ETH Zurich / Polychronis Patapis.

Les isotopes sont des atomes qui possèdent le même nombre de protons mais un nombre différent de neutrons. En raison de leur masse atomique différente, les isotopes d’un même élément ont des propriétés physiques différentes, et donc des signatures spectrales qui diffèrent. Ils sont largement utilisés sur Terre. On pense notamment à la datation au carbone 14, qui permet d’estimer l’âge des os ou des fossiles.
 
En astronomie, ils occupent une place de plus en plus importante. Par exemple, le rapport des isotopes du carbone-12 (12C) et du carbone-13 (13C) dans l’atmosphère d’une exoplanète peut être utilisé pour déduire la distance à laquelle l’exoplanète s’est formée autour de son étoile centrale. Jusqu’à présent, le 12C et le 13C, liés dans le monoxyde de carbone, étaient les seuls isotopologues – molécules qui ne diffèrent que par la composition de leurs isotopes – pouvant être mesurés dans l’atmosphère des exoplanètes. Mais pour les objets froids, il est très difficile d’avoir accès à ces rapports isotopiques.
 

Grâce à cette nouvelle étude, l’équipe de chercheurs a démontré qu’il était également possible d’utiliser les isotopologues de l’ammoniac (NH3) comme traceur de la formation des exoplanètes. En effet, ils ont détecté pour la première fois dans l’atmosphère d’une naine brune froide, servant ici de proxy pour les exoplanètes, la signature spectrale caractéristique de la présence des molécules 14NH3 (écrit aussi 14N) et 15NH3 (15N). Même si elles ne diffèrent que d’un neutron dans le noyau de l’azote, nous pouvons clairement les distinguer dans le spectre observé (cf. Figure 2).

Un nouvel outil de diagnostic pour la formation des exoplanètes

Figure 3 – Ce schéma résume différentes phases de la formation des étoiles et des planètes et la relation entre le fractionnement de l’ammoniac (NH3) et l’évolution du rapport 14N/15N à différents stades : à l’intérieur d’un nuage moléculaire avec des noyaux pré-stellaires (en haut à gauche), pendant la formation d’une protoétoile (en haut à droite) et dans un disque circumstellaire autour d’une jeune étoile (en bas). 

Crédit : adapté de l’article Barrado, D. et al. 15NH3 in the atmosphere of a cool brown dwarf. Nature (2023).

 

Les géantes gazeuses telles que Jupiter ou Saturne n’existent pas seulement dans notre système solaire, mais on les retrouve également dans d’autres systèmes exoplanétaires.  Certaines orbitent très loin de leur étoile et la question de leur formation se pose. Se sont-elles formées dans le disque proto-stellaire comme les étoiles par instabilité gravitationnelle ou plus tard dans le disque protoplanétaire ? Le rapport 14NH3 / 15NH3 est un traceur, c’est-à-dire un indicateur, qui pourrait être utilisé à l’avenir pour étudier la formation de ces planètes.
 

En effet comme indiqué sur la Figure 3, dans un disque protoplanétaire, le rapport 14NH3 sur 15NH3 dépend de la distance à l’étoile et augmente fortement entre la ligne de glace de l’ammoniac (NH3) et la ligne de glace de l’azote moléculaire (N2). Cette variation est encore très qualitative ; mais la tendance est là.

 

À cet égard, l’ammoniac et la quantité de ses isotopologues peuvent non seulement fournir des informations sur la manière dont une exoplanète s’est développée, mais aussi sur l’endroit du disque protoplanétaire où elle s’est formée. Le rapport 14N/15N peut contraindre les emplacements de formation par rapport aux lignes de glace de NH3 et de N2 du disque, faisant de l’ammoniac un nouvel outil pour comprendre la formation des géantes gazeuses. Cette hypothèse pourra être testée sur les exoplanètes froides loin de leur étoile, et donc directement imageable par le JWST.

Détection de vapeur d’eau, de dioxyde de soufre et de nuages de silicate dans l’atmosphère d’une Super-Neptune

Une équipe internationale de scientifiques, dirigée par le Département d’Astrophysique du CEA, a observé pour la première fois en infrarouge moyen l’atmosphère enflée de l’exoplanète WASP-107b grâce au télescope spatial James Webb. Les scientifiques ont découvert non seulement de la vapeur d’eau et du dioxyde de soufre, mais aussi des nuages de sable silicatés, et surtout, aucune trace de méthane. Mis à part la vapeur d’eau, ces découvertes étaient inattendues en considérant les modèles planétaires développés jusqu’alors. Grâce à cette super-Neptune, dont l’atmosphère est peu dense et se révèle être très dynamique, la science des exoplanètes évolue et se perfectionne.

 

Les résultats de l’étude sont publiés dans la prestigieuse revue Nature.

 

La Super-Neptune WASP-107b

Figure 1 – Illustration d’artiste de WASP-107b et de son étoile hôte. Elle est si proche qu’elle subit des conditions d’irradiation extrêmes par rapport aux planètes de notre Système solaire. Son atmosphère est même en train de s’évaporer.
Crédit : LUCA School of Arts, Belgium / Klaas Verpoest

WASP-107b est une géante gazeuse orbitant autour de l’étoile WASP-107, à environ 212 années-lumière de la Terre, dans la constellation de la Vierge. Elle a été découverte en 2017 par la méthode des transits, c’est-à-dire par la mesure de légères diminutions de luminosité de l’étoile lorsque la planète passe entre elle et nous. Son orbite est très petite, environ 10 fois plus faible que celle de Mercure autour du Soleil. Cette proximité fait que sa période orbitale est très courte, environ 5,7 jours, ce qui nous permet d’observer son transit en quelques heures. En outre, l’exoplanète a une atmosphère enflée, c’est-à-dire qu’elle a un volume anormalement élevé par rapport aux géantes gazeuses du Système solaire. Pour une masse similaire à celle de Neptune, WASP-107b possède une taille approchant presque celle de Jupiter ! C’est pour cela que l’on définit WASP-107b comme étant une Super-Neptune. Cette caractéristique permet aux astronomes d’explorer son atmosphère environ 50 fois plus profondément que pour une géante du Système solaire car les signatures moléculaires mesurées dans les spectres sont plus prononcées dans une atmosphère moins dense que dans celles plus compactes.


Des résultats qui défient les modèles atmosphériques

Figure 2 – Composition atmosphérique de WASP-107b obtenu grâce au spectromètre de basse résolution LRS de MIRI. Les bandes spectrales colorées en bas de l’image représentent les bandes caractéristiques des molécules détectées : En rouge, il s’agit de l’eau à l’état vapeur (H20), en bleu du sulfure de dioxyde (S02) et en jaune, le continuum du silicate (Si02). Le meilleur modèle atmosphérique représentatif des observations faites avec MIRI (points blancs) est dessiné en ligne orange.
Crédits : Michiel Min / European MIRI EXO GTO team / ESA / NASA

En janvier 2023, l’équipe d’astronomes européens a pointé le télescope spatial James Webb pendant 8 heures vers l’étoile WASP-107 afin d’observer le transit de la Super-Neptune avec le spectromètre basse résolution LRS de l’instrument MIRI. Cette mesure permet d’obtenir le spectre atmosphérique de la planète, riche d’informations sur la composition chimique (molécules présentes), la physique (température et pression) et la dynamique (mouvement) de l’atmosphère.

« Pour cette observation, nous avons utilisé l’instrument MIRI qui a permis d’obtenir pour la première fois le spectre de transmission dans l’infrarouge moyen de la Super-Neptune WASP-107b. » Précise Pierre-Olivier Lagage, co-responsable du consortium européen MIRI et directeur du département d’Astrophysique du CEA-Saclay. « Ces observations ont été réalisées dans le cadre du programme d’observations en temps garanti du consortium MIRI »

Et les résultats obtenus de l’exoplanète WASP-107b défient tous nos modèles atmosphériques !

« Les résultats étaient inattendus ! » a déclaré l’auteure principale, Achrène Dyrek, chercheuse au CEA-Saclay. « Le JWST permet de caractériser en profondeur l’atmosphère d’une exoplanète faisant ainsi évoluer nos modèles atmosphériques développés jusqu’alors. »

Ensuite, la découverte de dioxyde de soufre (connu pour son odeur d’allumettes brûlées) a été une surprise majeure. En effet, les modèles atmosphériques prédisent que le soufre devrait plutôt être sous forme de sulfure d’hydrogène qui est bien plus stable dans les planètes à température modérée, autour de 500 °C, comme WASP-107b. Cette détection indique donc que des processus chimiques de dissociation des molécules d’eau et de recombinaison avec le soufre en haute altitude sont à l’œuvre. Ces réactions chimiques sont générées par l’irradiation de l’étoile qui fournit l’énergie suffisante à travers des photons de hautes énergies pour dissocier les molécules ; c’est ce qu’on appelle la photodissociation. La première découverte de tels processus a été avec la planète WASP-39b.

Ce qui surprend ici, c’est que l’étoile WASP-107 est trop froide pour émettre suffisamment de photons énergétiques pour produire du dioxyde de soufre dans l’atmosphère de WASP-107b. Alors pourquoi a-t-on détecté du dioxyde de soufre ? L’une des hypothèses serait que le gonflement même de l’atmosphère de la planète permettrait au peu de photons énergétiques de l’étoile de pénétrer profondément à l’intérieur, permettant ainsi la création de dioxyde de soufre.

Mais ce n’est pas tout : L’intensité des signatures spectrales du dioxyde de soufre et de la vapeur d’eau sont considérablement réduites par rapport à ce qu’elles seraient dans un scénario sans nuages. A partir de ce constat, nous pouvons affirmer que des nuages en haute altitude sont susceptibles de masquer partiellement la vapeur d’eau et le dioxyde de soufre présents dans l’atmosphère. Bien que la présence de nuages ait été prédite au cours des dernières années, c’est la première fois que les astronomes peuvent identifier avec certitude la composition chimique de ces nuages. Dans le cas présent, nous pouvons voir sur la figure 2, entre 8 et 11 µm, la présence de silicate (MgSiO3, SiO2, et SiO), substance familière à l’homme car il s’agit de l’un des constituants principaux du sable. Ce sont ces petites particules de silicate qui constituent les nuages en haute altitude de l’atmosphère de WASP-107b.
A nouveau, les modèles traditionnels n’expliquent pas ce phénomène. Ils prédisent que de tels nuages ne peuvent se former en hautes altitudes que pour les planètes gazeuses atteignant des températures de l’ordre de 1000 degrés Celsius. Or, dans les planètes comme WASP-107b, a température basse, de tels nuages ne peuvent se former en haute altitude, mais plus profondément dans l’atmosphère, où les températures sont nettement plus élevées. En outre, les nuages de sable situés en altitude pleuvent. Alors comment ces nuages de sable peuvent-ils donc exister à haute altitude et perdurer ?

Selon Michiel Min, chercheur à l’Institut néerlandais SRON, « le fait que nous observions ces nuages de sable en altitude doit signifier que les gouttelettes de pluie de sable s’évaporent dans des couches plus profondes et très chaudes et que la vapeur de silicate qui en résulte est efficacement remontée, où elle se recondense pour former à nouveau des nuages de silicate. Ce phénomène est très similaire au cycle de la vapeur d’eau et des nuages sur notre Terre, mais avec des gouttelettes de sable. »

Nous pensons donc que ce cycle continu de sublimation et de condensation par transport vertical est responsable de la présence durable de nuages de sable en haute altitude dans l’atmosphère de WASP-107b.

Cette recherche pionnière éclaire non seulement sur le monde exotique de WASP-107b, mais repousse également les limites de notre compréhension des atmosphères exoplanétaires. Elle marque une étape importante dans l’exploration des exoplanètes, en révélant l’interaction complexe entre l’étoile et les conditions physico-chimiques à l’œuvre dans l’atmosphère de ces mondes lointains.

« Le JWST révolutionne la caractérisation des exoplanètes en fournissant des informations sans précédent à une vitesse remarquable. » Déclare Leen Decin, chercheuse à l’Institut KU Leuven. « La découverte de nuages de sable, d’eau et de dioxyde de soufre sur cette exoplanète enflée est une étape cruciale. Elle modifie notre compréhension de la formation et de l’évolution des planètes et jette un nouvel éclairage sur notre propre système solaire. »

 

TRAPPIST-1, la saga continue ! Le JWST vient de mesurer l’émission thermique de TRAPPIST-1 c, la petite soeur de TRAPPIST-1 b

À l’aide du télescope spatial James Webb, un groupe d’astronomes dirigé par le MPIA (Max Planck Institute for Astronomy), en collaboration avec une équipe du Département d’Astrophysique du CEA Paris-Saclay, a recherché une atmosphère sur l’exoplanète rocheuse TRAPPIST-1 c. Bien que la planète soit presque identique à Vénus en termes de taille et de température, son atmosphère s’est révélée très différente. En analysant la chaleur émise par la planète, ils ont conclu qu’elle pourrait n’avoir qu’une atmosphère ténue contenant un minimum de dioxyde de carbone. Toutefois, cette mesure est également compatible avec une planète rocheuse stérile dépourvue d’une atmosphère significative. Ces travaux nous permettent de mieux comprendre comment les atmosphères des planètes rocheuses en orbite autour d’étoiles de faible masse peuvent résister aux vents stellaires puissants et au rayonnement UV intense.

Ces résultats sont publiés dans la prestigieuse revue Nature.

 

Cette article est la suite de l’article sur TRAPPIST-1 b.

 

Les étoiles de faible masse peuvent éroder les atmosphères planétaires

Figure 1 – Les mesures détaillées des propriétés physiques des sept planètes rocheuses TRAPPIST-1 (en haut – illustration d’artiste) et des quatre planètes terrestres de notre système solaire (en bas) aident les scientifiques à trouver des similitudes et des différences entre les deux familles de planètes.
Crédit: NASA/JPL

Après avoir étudié l’émission thermique de la planète TRAPPIST-1 b qui a montré qu’elle est probablement dépourvue d’atmosphère (cf. l’article sur TRAPPIST-1 b), les astronomes, en collaboration avec le CEA Paris-Saclay, ont pointé le JWST vers sa petite soeur, TRAPPIST-1 c, en utilisant la même méthode d’observation.

« Le système planétaire TRAPPIST-1, situé à proximité, est actuellement le meilleur candidat pour étudier les atmosphères des planètes rocheuses semblables à la Terre en orbite autour d’une naine rouge », explique Sebastian Zieba, chercheur en thèse à l’Institut Max Planck d’astronomie de Heidelberg, en Allemagne. Il est l’auteur principal de l’article.

Les astronomes ont pendant longtemps soupçonné TRAPPIST-1 c d’être un analogue de Vénus (cf. Figure 1). En effet, à l’instar de cette dernière, le diamètre et la masse de TRAPPIST-1 c sont proches de ceux de la Terre et le rayonnement reçu de son étoile est presque identique à celui de Vénus. Toutefois, l’étoile autour de laquelle tourne TRAPPIST-1 c est une naine rouge ultra froide. Les étoiles du même type que Trappist-1a présentent une forte activité stellaire, susceptible d’éroder l’atmosphère de leurs planètes. Néanmoins, étant plus massive que la Terre, son attraction gravitationnelle à sa surface est supérieure, ce qui devrait contribuer à la conservation de son atmosphère malgré les conditions.

« Nous voulions savoir si TRAPPIST-1 c avait échappé à ce destin et avait pu conserver une atmosphère substantielle, voire être semblable à la planète Vénus dans le système solaire », ajoute Sebastian Zieba.

La température, une mesure compliquée, même pour le JWST

Figure 2 – Cette image illustre la courbe de phase d’une planète, soit la variation de luminosité globale du système étoile-planète au cours de la révolution de la planète. Dans le cas d’une planète gravitationnellement verrouillée par les forces de marée, son côté jour, soit la face éclairée et chauffée par l’étoile, n’est visible que juste avant et après son passage derrière l’étoile (éclipse).
Crédit : ESA

TRAPPIST-1 c est gravitationnellement verrouillée par les forces de marée, c’est-à-dire qu’elle présente toujours la même face à son étoile. Il en résulte que la durée du jour est la même que celle d’une année (environ 2,42 jours terrestres) et qu’il y a deux hémisphères distincts, l’un en permanence éclairé et l’autre plongé dans une nuit éternelle. De plus, son orbite est orientée de telle sorte que, de notre point de vue, la planète passe devant son étoile à chaque révolution (cf. Figure 2). Cela permet d’observer la planète pendant un transit (passage de la planète devant son étoile) et juste avant et après une éclipse (lorsque la planète passe derrière son étoile). Cette dernière position permet d’observer le côté éclairé de la planète et donc de mesurer son émission thermique ainsi que les caractéristiques de l’atmosphère qui l’entoure.

 

Dans tous les cas, la caractérisation de l’atmosphère des planètes rocheuses de la taille de la Terre est une tâche difficile en raison de la faible luminosité de la planète par rapport à celle de l’étoile, même pour le télescope spatial James Webb (JWST). C’est pourquoi l’équipe a combiné l’observation de quatre éclipses de TRAPPIST-1 c afin d’accumuler un maximum de signal. Ils ont utilisé l’instrument MIRI dont la vision dans l’infrarouge moyen est parfaitement adaptée pour détecter l’émission thermique comme une planète. Le filtre utilisé était centré à 15 µm, correspondant à une longueur d’onde caractéristique de la bande d’absorption du CO2.

TRAPPIST-1 c pourrait avoir une fine atmosphère

Figure 3 – Ce graphique compare la luminosité mesurée de TRAPPIST-1 c aux données de luminosité simulées pour trois scénarios différents. La mesure (diamant rouge) est compatible avec une surface rocheuse nue sans atmosphère (ligne verte) ou une atmosphère très fine de dioxyde de carbone sans nuages (ligne bleue). Une atmosphère épaisse riche en dioxyde de carbone avec des nuages d’acide sulfurique, similaire à celle de Vénus (ligne jaune), est peu probable.
Crédits : NASA, ESA, CSA, Joseph Olmsted (STScI)

La pression et la composition d’une atmosphère déterminent la température d’une planète en fonction de la lumière qu’elle reçoit de son étoile. Inversement, la température détermine la quantité de lumière infrarouge émise par la planète. Ainsi, les mesures infrarouges combinées à des modèles atmosphériques fournissent des indices sur l’atmosphère et sa composition.

Contrairement aux attentes des astronomes, les températures n’atteignent “que” 110 °C, soit 390 °C de moins que sur Vénus. La lumière infrarouge émise par TRAPPIST-1 c ne correspond pas à une atmosphère vénusienne, riche en dioxyde de carbone provoquant un fort effet de serre (cf. Figure 3).

« Nous pouvons définitivement exclure une atmosphère épaisse et semblable à celle de Vénus », déclare Laura Kreidberg, responsable scientifique du programme d’observation du JWST, coauteure et directrice du MPIA.

TRAPPIST-1 c possède-t-elle au moins une fine enveloppe gazeuse ? Pour explorer cette possibilité, les scientifiques ont calculé la probabilité statistique qu’un ensemble de paramètres atmosphériques corresponde aux observations. Ce modèle atmosphérique comprend une gamme de pressions de surface et des mélanges d’une atmosphère dominée par l’oxygène (O2) avec des traces variables de dioxyde de carbone (CO2). En effet, les astronomes pensent que les planètes comme TRAPPIST-1 c devaient posséder une atmosphère contenant du dioxyde de carbone et de la vapeur d’eau au début de leur évolution. Au fil du temps, le rayonnement stellaire décompose les molécules d’eau en hydrogène et en oxygène. Alors que l’hydrogène, très volatil, s’échappe progressivement dans l’espace, les molécules d’oxygène, plus lourdes, subsistent, ce qui donne une atmosphère riche en oxygène avec des traces de dioxyde de carbone.

Bien que ces premières mesures ne fournissent pas d’informations définitives sur la nature de TRAPPIST-1 c, elles permettent de limiter les possibilités.

« Nos résultats sont cohérents avec le fait que la planète soit un rocher nu sans atmosphère, ou qu’elle ait une atmosphère de CO2 très fine (plus fine que celle de la Terre ou même de Mars) sans nuages », a déclaré S. Zieba. « Si la planète avait une atmosphère de CO2 épaisse, nous aurions observé une éclipse secondaire très peu profonde, voire aucune. En effet, le CO2 aurait absorbé toute la lumière de 15 microns, de sorte que nous n’en aurions détecté aucune en provenance de la planète. »

Ce résultat ouvre certaines perspectives car les étoiles froides ont une durée de vie de l’ordre de 10 milliards d’année et une jeunesse particulièrement active, et pour le moment on ne sait pas si des petites planètes autour de telles étoiles peuvent garder une atmosphère pendant plusieurs milliards d’années (~7 milliards pour TRAPPIST-1).

« Ce résultat est vraiment très intéressant, dans le cas de TRAPPIST-1 b, la température mesurée à 15 microns était en accord avec une planète dénuée d’atmosphère (Greene et al. 2023), mais là avec TRAPPIST-1 c, la mesure nous laisse espérer la présence d’une fine atmosphère composée d’un mélange d’oxygène et de carbone », se réjouit Elsa Ducrot, chercheuse au CEA Paris-Saclay, troisième auteure de l’article.

Prochaines étapes

Les signaux mesurés dans cette étude sont faibles et de nombreuses propriétés sont encore inconnues, ce qui entraîne des incertitudes.

« Les observations d’atmosphères minces de planètes rocheuses poussent le JWST à ses limites », admet Kreidberg

D’autres observations du JWST sont donc nécessaires pour distinguer une planète rocheuse stérile d’une planète dotée d’une atmosphère ténue. En mesurant la lumière émise par TRAPPIST-1 c dans une large gamme de longueurs d’onde, les astronomes peuvent détecter de petites signatures d’absorption des gaz présents dans l’atmosphère.

« Nous avons obtenu du temps d’observation sur le JWST pour mesurer la courbe de phase combinée de TRAPPIST-1 b et c. Cela devrait nous permettre d’identifier de manière plus définitive si l’une des deux planètes (ou les deux !) possède une atmosphère », précise Elsa Ducrot.

En effet, De plus, une atmosphère
substantielle, quelle que soit sa composition, redistribue la chaleur du
côté jour vers le côté nuit, ce qui fait que la température du côté
jour est plus basse qu’elle ne le serait sans atmosphère (cf. Figure 4).

Le JWST vient d’effectuer une mesure historique : la première mesure de l’émission thermique d’une planète rocheuse tempérée

Situé à environ 40 années-lumière, le système TRAPPIST-1 est un système constitué de sept planètes rocheuses de type terrestre. Il fascine les astrophysiciennes et astrophysiciens depuis sa découverte en 2016 par bien des aspects. Il a été observé sans relâche par de nombreux télescopes au sol et dans l’espace. Le JWST a récemment permis de franchir une nouvelle étape dans notre quête insatiable des exoplanètes : mesurer directement la température d’une exoplanète rocheuse tempérée ! Cette mesure historique permet de penser que si la planète TRAPPIST-1-b, la plus proche de son étoile (une naine ultra froide), une atmosphère peu épaisse, sans ou avec très peu de CO2.


Ces résultats sont publiés dans la prestigieuse revue Nature


TRAPPIST-1, un système stupéfiant

Figure 1 : Système planétaire de TRAPPIST-1 en comparaison avec le système solaire interne.
Crédit : Emmanuelle MICHEL / AFP

Le système TRAPPIST-1 est un système tout à fait stupéfiant. Tout d’abord, son étoile hôte est une naine rouge ultra froide (de type M) : sa température effective est deux fois moins élevée que celle du Soleil car sa masse et sa taille qui ne sont que d’environ 10% des valeurs solaires. Son cortège de planètes est constitué de 7 rocheuses dont les tailles et les masses sont comparables à celles de la Terre (entre 0,77 et 1,15 R⊕ et entre 0,33 et 1,16 M⊕). Enfin, ce système est très compact, les planètes sont beaucoup plus proches de leur étoile que Mercure ne l’est du Soleil ; La plus lointaine étant 6 fois plus proche (cf. Figure 1). Une telle compacité implique une forte interaction gravitationnelle entre les planètes. Sans cesse, elles sont ralenties ou accélérées dans leur course par leurs voisines. On appelle cela la variation des temps de transit (TTV). Cette proximité engendre une résonance dite de Laplace, c’est-à-dire que les planètes sont couplées gravitationnellement par 3, créant une chaîne de 3 par 3 exoplanètes : TRAPPIST-1 c est influencée par les planètes b et d, TRAPPIST-1-d par c et e, et ainsi de suite). Cette résonance peut être observée dans notre système solaire : Les lunes de Jupiter. En effet, Io, Europa et Ganymède sont également en résonance de Laplace, leurs périodes sont commensurables.

 

« Il est plus facile de caractériser les planètes terrestres autour d’étoiles plus petites et plus froides. Si nous voulons comprendre l’habitabilité autour des étoiles M, le système TRAPPIST-1 est un excellent laboratoire. Ce sont les meilleures cibles dont nous disposons pour étudier l’atmosphère des planètes rocheuses »

Explique Elsa Ducrot astrophysicienne au Département d’Astrophysique (DAp) du CEA Paris-Saclay.

Une découverte jalonnée de surprise

Figure 2 : Le télescope TRAPPIST-Sud est installé à l’Observatoire de l’ESO de La Silla (Chili).
Crédit: E. Jehin/ESO

En 2016, une campagne d’observation d’exoplanètes a été initiée dans le cadre du programme SPECULOOS (Search for habitable Planets EClipsing Ultra-cOOl Stars) dont le but était d’observer les naines rouges les plus brillantes dans le ciel à la recherche de planètes de type terrestre dans la zone habitable de leur étoile. Ces petites étoiles offrent plusieurs avantages pour les chasseurs d’exoplanètes : 1. Elles sont statistiquement plus nombreuses dans le ciel. 2. Leur petite taille permet d’observer plus facilement des planètes de type terrestre car le ratio disque planétaire sur disque stellaire est bien plus grand (de l’ordre de 1%). 3. La très faible température effective de l’étoile implique une zone habitable plus proche d’elle. Or, une planète plus proche implique une période orbitale plus courte et donc des transits plus nombreux. SPECULOOS a commencé son programme d’observation avec le petit télescope de 60 cm de diamètre nommé TRAPPIST-Sud (TRAnsiting Planets and PlanetesImals Small Telescope–South), situé au Chili (hémisphère sud).

Le 2 mai 2016, trois planètes sont détectées par TRAPPIST-Sud autour d’une naine rouge ultra froide. Etant le premier système observé par cet instrument, on nomme alors ce système « TRAPPIST-1 ». Aussitôt, l’équipe de chercheuses et de chercheurs du programme SPECULOOS demande du temps d’observation avec le télescope spatial Spitzer pendant 20 jours consécutifs afin d’approfondir les recherches. Et quelle ne fut pas leur surprise de découvrir par transit quatre autres planètes, plus éloignées de leur étoile que les précédentes. Le cumul des observations de ces planètes devant leur étoile permet de connaitre la dynamique du système, à partir de laquelle les scientifiques ont pu déduire par le calcul la présence de la septième planète, comme Le Verrier l’avait fait avec Neptune en 1846 en observant les mouvements de Uranus. La chorégraphie planétaire permet également de déduire précisément la masse des planètes à partir des TTV. Quant aux rayons des planètes, elles sont déduites par la quantité de lumière obstruée pendant le transit. Connaissant les masses et les rayons, on calcule facilement la densité moyenne des planètes qui nous permet d’intuiter la nature de leur composition. En moyenne, elles sont 9% moins denses que la Terre. On peut alors imaginer des planètes avec un cœur comme celui de la Terre mais plus riche en vapeur d’eau, ou alors un cœur appauvri en fer, ou bien un cœur non différencié (sans noyau). Nous ne disposons pas encore assez d’information aujourd’hui pour discriminer les modèles planétaires.  

Après l’étude de la mécanique orbitale du système, place à la caractérisation des atmosphères. Le télescope spatiale Hubble est alors mis à contribution. Les observations ont permis d’affirmer qu’aucune planète n’avait d’atmosphère primaire, c’est-à-dire riche en hydrogène comme Jupiter, mais ne nous a pas permis de confirmer la présence d’atmosphère secondaire (comme Vénus ou la Terre), ni de déterminer sa composition.

L’observation de l’atmosphère : Le JWST à la rescousse

Figure 3 : Courbe de lumière montrant le changement de luminosité du système TRAPPIST-1 lorsque la planète la plus interne, TRAPPIST-1 b, se déplace derrière l’étoile. Ce phénomène est connu sous le nom d’éclipse secondaire.

Crédits : NASA, ESA, CSA, J. Olmsted (STScI) ; Science : Thomas Greene (NASA Ames), Taylor Bell (BAERI), Elsa Ducrot (CEA), Pierre-Olivier Lagage (CEA) et Achrène Dyrek (CEA)

Au cours de sa ronde, deux moments sont propices à l’observation de l’atmosphère d’une exoplanète depuis la Terre (cf. Figure 3) : lorsque la planète passe devant son étoile (transit) et juste avant qu’elle ne disparaisse derrière (éclipse secondaire). La première position permet de mesurer le spectre de transmission de l’atmosphère. On le déduit en soustrayant le spectre mesuré lors d’un transit au spectre stellaire hors transit. Cette mesure est très difficile car la diminution de l’intensité stellaire liée à l’absorption par l’atmosphère est de l’ordre de quelques dixièmes voire centièmes de pourcent… Inutile de dire que cela représente un challenge, d’autant plus que la surface de l’étoile, en particulier d’une naine rouge, peut contenir de nombreuses tâches et facules liées à l’activité magnétique de l’étoile. La seconde position permet de mesurer le spectre émis par la planète. Cette mesure est encore plus compliquée à obtenir car la lumière émise par la planète est extrêmement faible par rapport à celle de l’étoile. Néanmoins, elle permet d’obtenir directement la température de brillance de la planète (émission du corps noir) sans contamination par les hétérogénéités de la surface stellaire.

En émission, il est préférable d’observer la planète dans l’infrarouge (IR) pour deux raisons. Premièrement, après avoir absorbé essentiellement le rayonnement visible/proche IR de l’étoile, une planète réémet dans le moyen IR (MIR). L’étoile quant à elle, étant beaucoup plus chaude à cause des réactions nucléaires en son cœur, son spectre est davantage vers les plus courtes longueurs d’onde, avec donc une plus faible contribution dans l’IR. Le contraste d’observation est alors meilleur que dans le visible. Deuxièmement, les molécules que l’on souhaite détecter, comme le dioxyde de carbone (CO2) par exemple, ont leurs signatures spectrales particulièrement marquées dans l’IR.

 

C’est donc tout naturellement que les scientifiques se sont tournés vers le nouvel observatoire spatial : le JWST. Son œil de 6,5 m de diamètre permet non seulement de collecter beaucoup plus de lumière mais tout l’observatoire est optimisé pour observer dans le proche et moyen IR. Il est donc parfait pour regarder les autres mondes rocheux tempérés et percer leurs mystères.

 

Un focus particulier est fait sur la planète TRAPPIST-1 b car étant la plus proche de son étoile, elle émet davantage en IR thermique que les autres. Deux campagnes d’observation de l’émission de la planète par imagerie à filtre étroite ont été programmées : la première, menée par une équipe de la NASA en collaboration avec une équipe du CEA Paris-Saclay, se fait avec l’imageur MIRIm, développé au CEA Paris-Saclay, avec le filtre à λ=15 µm. Et la seconde observation est avec le filtre λ=12,8 µm, et sera menée par l’équipe du CEA Paris-Saclay cette fois-ci, en collaboration avec la même équipe de la NASA. A partir de simulations numériques, les scientifiques ont estimé que cinq transits (soit ~25h d’observation avec le JWST) suffisent pour mesurer l’émission de la planète avec un signal sur bruit significatif, c’est-à-dire un signal suffisamment intense pour affirmer que l’observation vient de la planète et non des erreurs de mesure des instruments. Les filtres à λ=15 µm et λ=12,8 µm n’ont pas été choisis au hasard : en deux mesures, ces longueurs d’onde permettent de suggérer la présence d’une atmosphère, et si oui, si elle contient ou non du CO2 qui possède une bande d’absorption caractéristique à 15 µm.  

Des résultats chauds !

Figure 4 : Ce graphique compare la température du côté jour de TRAPPIST-1 b, mesurée par l’instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) de Webb, à des modèles informatiques de ce que serait la température dans diverses conditions (avec et sans atmosphère). La température de Mercure et de la Terre sont indiquée à titre de référence. La luminosité du côté jour de TRAPPIST-1 b à 15 microns correspond à une température d’environ 500 Kelvin. Cela signifie que la mesure de la température de brillance de la planète à 15 microns avec le JWST est théoriquement en accord avec la valeur attendue pour une planète possédant une surface sombre et ayant peu ou pas d’atmosphère. Des observations dans des longueurs d’onde différentes sont nécessaires pour confirmer ce résultat.  
Crédits : Illustration : NASA, ESA, CSA, J. Olmsted (STScI) ; Science : Thomas Greene (NASA Ames), Taylor Bell (BAERI), Elsa Ducrot (CEA), Pierre-Olivier Lagage (CEA) et Achrène Dyrek (CEA)

Pour la première fois, une équipe de scientifique a réussi à observer l’émission thermique d’une planète rocheuse tempérée ! Le signal cumulé des 5 transits avec l’imageur MIRIm à 15 µm a permis d’atteindre un seuil de confiance de 8,7 sigma sur le résultat, soit presque trois fois plus pour qu’il n’en faut pour affirmer qu’un résultat est significatif.

« Avec le télescope Spitzer dans le proche infrarouge nous n’avions aucune détection même en combinant 28 occultations de TRAPPIST-1 b, avec MIRI on voit l’occultation de la planète en une seule visite !  »

S’exalte Elsa Ducrot au vu de ce résultat.

La luminosité mesurée du côté jour de TRAPPIST-1 b correspond à une température d’environ 503 K +/-26 K. Pour savoir si la planète a ou non une atmosphère, on compare cette valeur mesurée à des valeurs théoriques correspondant à divers modèles planétaires dans diverses conditions, basés sur nos connaissances du système, comme la température de l’étoile, la distance orbitale de la planète, et le fait que celle-ci soit verrouillée gravitationnellement par effets de marée, c’est-à-dire que les planètes présentent toujours la même face à leur étoile, comme la Lune avec la Terre.

 

On constate que la température mesurée est très proche de celle d’un corps noir parfait (albédo proche de zéro), soit un corps tellement sombre qu’il absorbe toute la lumière de son étoile. On peut également affirmer qu’il n’y a pas ou très peu d’atmosphère. Si la planète avait une atmosphère, la température aurait été inférieure à celle mesurée car la chaleur reçue de l’étoile se serait redistribuée dans l’ensemble de l’atmosphère planétaire, faisant ainsi baisser la température côté jour, jusqu’à une centaine de degré. Enfin, nous pouvons également affirmer qu’il n’y a pas de CO2. Si l’atmosphère en contenait une quantité même petite, elle émettrait significativement moins de lumière à 15 microns et semblerait encore plus froide car le CO2 absorbe le rayonnement à cette longueur d’onde ; c’est le principe de l’effet de serre. La figure 4 illustre la température de TRAPPIST-1 b mesurée en la comparant aux modèles avec et sans atmosphère ainsi que la température de la Terre et de Mercure comme références. On remarque alors qu’étant bien plus proche de son étoile, TRAPPIST-1 b est pourtant plus froide que Mercure, qui se compose de roches nues et d’aucune atmosphère significative, car elle reçoit environ 1,6 fois plus d’énergie du Soleil que TRAPPIST-1 b n’en reçoit de son étoile.

« Il y a une cible dont je rêvais”. C’était celle-ci. C’est la première fois que nous pouvons détecter les émissions d’une planète rocheuse et tempérée. C’est une étape vraiment importante dans l’histoire de l’étude des exoplanètes »

S’enthousiasme Pierre-Olivier Lagage, astrophysicien au CEA et directeur du DAp, qui a travaillé au développement de l’instrument MIRI pendant plus de vingt ans.

Une enquête à suivre…

Figure 5 : Représentation schématique d’un transit planétaire. (a) est le transit primaire, (b) est le transit secondaire.

En juillet 2023, l’imageur MIRIm aura terminé d’effectuer ces cinq observations nécessaires de TRAPPIST-1 b à 12,8 µm. Ce deuxième point de mesure de la température permettra de contraindre d’avantage les modèles atmosphériques et ainsi de confirmer ou non le scénario proposé dans cette première étude.
Et les scientifiques ne comptent pas s’arrêter là ! Plusieurs demandes de temps viennent d’être déposées afin d’observer la courbe de phase (cf. Figure 5), c’est-à-dire suivre la luminosité émise par la planète au cours de sa course autour de son étoile et non plus juste lors de certaines positions (cf. Figure 3). On pourra ainsi mieux suivre l’évolution de la température côté jour et nuit vérifiant l’hypothèse de l’absence d’atmosphère redistribuant la chaleur. Un autre projet est de prendre un spectre de surface de TRAPPIST-1 b via l’instrument LRS de MIRI pour en connaitre sa composition.

La petite sœur TRAPPIST-1 c n’est pas en reste : Quatre éclipses secondaires de la planète ont été observées avec MIRIm à 15 microns. L’article a récemment été accepté et sortira très prochainement ! A suivre au prochain épisode…

« Tout juste un an après son lancement, le JWST nous ouvre déjà les portes des mondes inexplorés. J’ai si hâte de découvrir tout le travail pionnier qu’il va nous permettre d’accomplir dans les années, voire même dans les décennies à venir. J’ai l’impression de presque toucher du doigt une planète rocheuse comme Mercure ou Vénus mais située à presque 40 années-lumière de la Terre. C’est une chance inestimable ! »

S’émerveille Achrène Dyrek, en troisième année de thèse au DAp.

Auscultation d’un mini-Neptune : prise de température avec l’instrument MIRI du JWST

Découverte en 2009, l’exoplanète GJ1214b orbite autour d’une petite étoile située à seulement 40 années-lumière de nous. Avec une masse environ six fois supérieure à celle de la Terre et une atmosphère constituée d’hydrogène et d’hélium, elle est considérée comme un “mini-Neptune”.

Une équipe de la NASA, en collaboration avec des chercheurs du CEA Paris-Saclay, ont pointé le JWST vers la planète en utilisant l’instrument MIRI, réalisé par le CEA Paris-Saclay, durant une quarantaine d’heures. Cette observation inédite a permis d’obtenir pour la première fois la courbe de phase d’une exoplanète avec MIRI, c’est-à-dire le suivi complet de la rotation de la planète autour de son étoile.

 

Suivre ainsi l’évolution de l’émission du système exoplanète-étoile, a permis à l’équipe de chercheurs de déterminer la température de la planète avec une très bonne précision, à 9° près : 280°C côté jour et 164°C côté nuit. En comparant les observations aux modèles d’atmosphères, les chercheurs en déduisent que 1. Le faible écart de température entre les deux faces en dépit du fait que la planète soit en rotation synchrone signifie qu’il y un bon échange d’énergie entre les faces dû à une atmosphère dense. 2. La relative faible température côté jour au regard de la proximité de la planète à son étoile indique qu’une grande partie du rayonnement stellaire est réfléchie par une couche d’aérosols en haute atmosphère de l’exoplanète. Le type d’aérosol avec une telle propriété n’a pas encore pu être déterminé. 3. L’atmosphère contient beaucoup d’éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium, probablement de l’eau en abondance.

 

Les résultats sont publiées dans la prestigieuse revue Nature.


Figure1 – Illustration comparant l’exoplanète sub-Neptune GJ 1214 b à la Terre et à Neptune, qui se situe entre les deux planètes en termes de rayon, de masse et de densité.
Crédit : NASA, ESA, CSA et D. Player (STScI)

 
GJ1214b est une exoplanète très intéressante à plusieurs titres :
   • Elle fait partie d’une classe d’exoplanètes dont nous n’avons pas d’équivalent dans le système solaire : les mini-Neptunes (8M⊕ et 2.7R⊕), très nombreuses dans notre galaxie ;
   • Elle est très proche de son étoile et en fait un tour complet en 37,9 heures ;
   • Elle est en rotation dite synchrone, ce qui veut dire qu’elle fait un tour sur elle-même pendant qu’elle fait un tour autour de son étoile. Elle présente donc toujours la même face à l’étoile. Par conséquent, il y a un côté jour chauffé par l’étoile et un côté nuit. Un exemple de rotation synchrone proche de nous est la Lune qui fait un tour sur elle-même pendant qu’elle fait un tour autour de la Terre, si bien que c’est toujours la même face de la Lune qui est vue de la Terre.

   • Elle est “transitante”, c’est-à-dire que nous pouvons observer depuis la Terre son passage devant l’étoile. Lorsqu’elle passe devant son étoile (transit), c’est son côté nuit qui nous fait face. Comme son orbite est circulaire, on peut aussi observer sa “disparition” derrière l’étoile (éclipse); juste avant et après l’éclipse, c’est son côté jour qui nous fait face. De plus, on peut suivre l’évolution de l’émission du système exoplanète-étoile en fonction de la position de l’exoplanète sur son orbite (voir Figure 2). La courbe décrivant l’évolution du signal en fonction du temps est appelé la courbe de phase.

Figure 2 – Schéma simplifié d’une courbe de phase d’exoplanète, soit le changement de la luminosité totale d’un système stellaire et des planètes lorsque la planète orbite autour de l’étoile. Le système apparaît plus lumineux lorsqu’une plus grande partie du côté éclairé de la planète fait face au télescope (phase complète) et devient plus sombre lorsque le côté sombre fait face au télescope (nouvelle phase).
Crédit : NASA, ESA, CSA, Danny Player (STScI)

 
Pour mieux comprendre la nature de cet objet, il est important de caractériser son atmosphère. Les premières observations avec le télescope spatial Hubble ont mis en évidence une couche d’aérosols en haute altitude, qui empêche de voir ce qui se passe en dessous.
 

Pour poursuivre la caractérisation de cette atmosphère, l’instrument MIRI du JWST était tout indiqué pour deux raisons :

  1. la lumière InfraRouge que détecte MIRI a la propriété de pouvoir traverser les nuages
  2. compte tenu de la température attendue (de l’ordre de 300°C) l’essentiel de la lumière émise par l’exoplanète se trouve dans le domaine Infrarouge détecté par MIRI.

Le JWST a été pointé sur le système GJ1214 pendant une quarantaine d’heures, un peu plus que le temps que met l’exoplanète pour faire un tour autour de son étoile. Le mode basse résolution spectrale de l’imageur MIRIm de l’instrument MIRI, réalisé au CEA Paris-Saclay, a été utilisé. La Figure 3 représente la courbe de phase ainsi obtenue. C’est l’observation continue d’une exoplanète la plus longue réalisée à ce jour avec le JWST et la première courbe de phase avec l’instrument MIRI du JWST. Le JWST conserve une stabilité remarquable sur cette échelle de temps permettant une telle prouesse.

 

Figure 3 – Courbe de phase en lumière blanche de GJ1214b obtenu avec l’instrument MIRIm du JWST.
a. Courbe de phase intégrée de 5-12 µm. On y voit clairement le transit et les deux éclipses aux phases orbitales 0.0 et ±0.5 respectivement. Les points noirs représentent les données et ceux en rouge, les données moyennées par segment de 5 degrés. La ligne noire est le meilleur modèle ajustant les observations.
b. Identique au panneau a, mais zoomé sur la modulation de phase de l’émission thermique de la planète. La ligne noire en pointillé indique le flux stellaire (supposé constant) en l’absence de toute émission de la planète.
c. Résidus des données binées du modèle astrophysique avec les barres d’erreur à 1?.
Crédit revue Nature : https://arxiv.org/abs/2305.06240

 La température côté jour a pu être déterminée : 280°C avec une très bonne précision (9°), ainsi que la température côté nuit : 164°C. La planète est chauffée par l’énergie lumineuse qu’elle reçoit de l’étoile du côté jour. La relative faible différence de température entre le côté jour et le côté nuit montre qu’il y a un bon échange d’énergie entre les 2 côtés grâce à l’atmosphère de la planète.
 

Un bilan énergétique de GJ1214b a pu être fait entre l’énergie lumineuse reçu de son étoile et l’énergie lumineuse émise par l’exoplanète. A partir de ce bilan, il a pu être montré qu’une grande partie de la lumière de l’étoile était réfléchie par la couche d’aérosols en haute atmosphère de l’exoplanète et ne participait pas au chauffage de l’exoplanète. Le type d’aérosol avec une telle propriété n’a pas encore pu être déterminé.

Autre information importante obtenue en comparant les observations avec les modèles qui calculent l’émission d’atmosphères : l’atmosphère contient beaucoup d’éléments plus lourds que l’hydrogène et l’Helium, probablement de l’eau en abondance. D’autres études sont nécessaires pour affiner les résultats. Mais il est fascinant de voir que grâce au JWST et notamment MIRI, on peut aller “ausculter” des mondes si éloignés de ceux que nous connaissons dans notre système solaire. 

JWST