La NASA récompense l’équipe de la mise en service du JWST

 

La NASA a récemment décerné le Silver Group Achievement Award à 232 experts mondiaux pour leur contribution à la mise en service du télescope spatial James Webb (JWST). Ces experts ont travaillé 24 heures sur 24 pendant les six mois du commissioning. Leur travail acharné a permis d’obtenir pour tous les instruments des performances finales surpassant les spécifications initiales. Parmi cette équipe, on compte six Français.

 

Un travail d'équipe

Figure 2 – Christophe Cossou et Daniel Dicken dans le Centre de Contrôle des Opérations de la Mission JWST au Space Telescope Science Institute (STScI) au moment de la première observation avec l’instrument MIRI (first light), visible sur l’écran en arrière-plan.

Le télescope spatial James Webb (JWST) est le premier observatoire d’astrophysique au monde et un succès incontestable. Les équipes dédiées, qui ont confirmé le fonctionnement des instruments scientifiques (IS) et des sous-systèmes pendant les six mois de mise en service, sont la clé de ce succès. Grâce à des séquences méticuleusement planifiées et à une coordination soignée entre toutes les activités de l’observatoire, ces équipes internationales ont assuré une couverture 24h/24, examiné les données et résolu les problèmes dès qu’ils se présentaient.

Parmi eux, six Français : Pierre-Olivier Lagage (CEA Paris-Saclay), co-responsable de l’instrument MIRI, Christophe Cossou (CEA Paris-Saclay), Daniel Dicken (CEA Paris-Saclay et Institut d’Astrophysique Spatiale), Alain Coulais (CEA Paris-Saclay et Observatoire de Paris), Pierre Baudoz (Observatoire de Paris) et Pierre Guillard (Institut d’Astrophysique de Paris)

 

 

La mise en service de MIRI

Figure 3 – Equipe responsable de la mise en service de l’instrument MIRI au STSCI (Baltimore – USA) qui abrite le Centre d’Opération du JWST.

L’une des caractéristiques du JWST est d’observer dans la portion de l’infrarouge moyen du spectre électromagnétique via l’instrument MIRI (instrument Mid InfraRed) à forte contribution française. Les observations sont possibles grâce à un refroidissement actif fourni par un cryoréfrigérateur qui « extrait » la chaleur des plans focaux et des optiques de MIRI pour offrir des performances spectroscopiques sans précédent. Il a fallu attendre trois mois après le lancement du télescope pour que le cryoréfrigérateur atteigne la température requise de 7 K, soit près de -266°C.

 

« J’étais aux commandes quand on a démarré le cryoréfrigérateur et tout s’est magnifiquement passé. Voir en direct la température descendre… Là on se dit que ça va aller ! » Témoigne Alain Coulais, ingénieur de Recherche détaché au Département d’Astrophysique du CEA-Saclay

Grâce à une planification précise des tests et de l’analyse des données de la part des équipes (cf. Figure 3), l’instrument MIRI a été entièrement mis en service en seulement trois semaines. MIRI n’a rencontré qu’un seul problème : une caractéristique inattendue de lumière parasite a fait échouer la méthode prévue pour aligner les coronographes. Une fois ce problème résolu, les coronographes ont été alignés et ont dépassé leurs performances initialement prévues d’un facteur de quatre.

 

« Etre aux commandes pour activer l’ouverture de l’instrument vers le ciel, puis l’acquisition de la première image fut un moment magique, l’aboutissement de plusieurs années de préparation » Explique Christophe Cossou, ingénieur de Recherche au Département d’Astrophysique du CEA-Saclay

La mise en service de NIRCam

Figure 4 – Image de l’étoile 2MASS J17554042+6551277 prise par le télescope spatial James Webb après l’alignement de son miroir primaire. Les figures de diffraction autour de l’étoile confirme l’alignement parfait des 18 segments constituant le miroir primaire. 

Crédit : NASA/STScI

L’équipe responsable de la caméra proche infrarouge (NIRCam) a permis l’alignement optique des 18 segments du miroir primaire du JWST (cf. Figure 4). Ils ont traité les problèmes de stabilité de pointage, des états thermiques inattendus et de l’exécution des activités qui ont permis d’obtenir un télescope aligné qui dépasse les spécifications pour lesquels il a été construit.

 

La mise en service de NIRSpec

Figure 5. A Gauche : Schéma de l’agencement de l’assemblage des micro-obturateurs (MSA), avec des cibles scientifiques (en bleu) montrées dans leurs volets MSA ouverts (en vert). Crédit : NASA/STScI
A droite : Exemple d’utilisation des MSA pour mesurer la distance obtenue avec NIRSpec des galaxies individuelles parmi un champ de milliers de galaxies. Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI

Au sein de l’équipe du spectrographe proche infrarouge (NIRSpec), chaque observation a été soigneusement planifiée pour garantir une efficacité maximale, et toutes les activités de calibration ont été complétées dans les délais impartis.

NIRSpec utilise des réseaux de 250 000 micro-obturateurs (MSA), de petites fenêtres qui peuvent être sélectionnées individuellement pour observer des étoiles cibles (cf. Figure 5). Pour résoudre les problèmes d’acquisition de cibles MSA, l’équipe a passé des jours et des nuits à trouver des problèmes sur les systèmes connexes et à les résoudre.

 

La mise en service de FGS

Figure 6 – Cette image test du détecteur du FGS a été acquise sur une période de huit jours lors de la phase de la mise en service et des tests de performance du JWST. Bien que non optimisée pour la détection d’objets faibles, elle capture néanmoins des objets extrêmement faibles. 

Crédit: NASA, CSA, and FGS team.

Le capteur de guidage fin (FGS) fournit des images d’étoiles cataloguées au système de contrôle d’attitude 16 fois par seconde, permettant à Webb de pointer avec précision en restant très stable sur une longue durée (cf. Figure 6). Grâce aux efforts de l’équipe FGS, la précision de pointage dépasse là aussi les spécifications initialement prévues.

Le guidage nécessite une surveillance quasi constante depuis la console. L’équipe a effectué de nombreuses répétitions spécifiques au FGS pour se préparer au processus complexe d’alignement des miroirs. Leurs efforts ont conduit à plusieurs réalisations majeures qui ont amélioré les capacités de guidage. Ils ont analysé des images pour générer des paramètres mis à jour, améliorant ainsi les performances de guidage pour les étoiles brillantes et les champs encombrés, et ont également perfectionné les scripts de commande pour optimiser les performances globales.

 

La mise en service de NIRISS

Figure 7 – Courbe de lumière obtenu avec l’instrument NIRISS d’un transit de l’exoplanète géante WASP-96 b devant son étoile. NIRISS est parfaitement adapté à ce type d’observation à fort contraste. Lors de cette observation, l’instrument a pu mesurer des différences de luminosité de l’ordre de 0,02 %. 

Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI

Un problème résolu par l’équipe de l’imageur infrarouge proche et du spectrographe sans fente (NIRISS) était la lumière dispersée provenant de l’assemblage de l’échangeur de chaleur MIRI (HSA). Ils ont identifié le problème et confirmé qu’une fois le HSA refroidi, les niveaux de signal sont tombés aux limites attendues (cf. Figure 7).

Après une défaillance initiale de l’acquisition de cible, l’équipe a travaillé pour corriger les scripts embarqués, ce qui a abouti à une acquisition de cible qui dépasse les attentes.

 

Le ICDH et l’ISIM

Figure 8 – Falaises cosmiques dans la nébuleuse de la Carène prise par la caméra NIRCam, l’une des nombreuses images spectaculaires du JWST qui sont possibles grâce à l’effort d’une équipe internationale que le prix d’argent de la NASA récompense. 

Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI

Le module de commande et de traitement des données des instruments scientifiques intégrés (ICDH) et l’unité des services distants ISIM (IRSU) ne reçoivent pas les acclamations des instruments scientifiques, mais sans eux, il n’y aurait pas de logiciel pour prendre les images, pas de commande, et pas de données transmises au sol.

Cette équipe a soutenu les tests et les répétitions avant et après le lancement, travaillant 24 heures sur 24 pendant les six mois complets de mise en service. Non seulement leurs sous-systèmes ont fonctionné sans heurts, mais leur expertise a été une ressource précieuse pour les autres équipes en cas de problème.

Les résultats de la dévotion de l’équipe de mise en service conjointe sont graphiquement illustrés par les images inspirantes publiées au public (cf. Figure 8).

 

Le James Webb découvre toujours plus d’hydrocarbures dans les disques autour d’étoiles de très faible masse

 

Une équipe de recherche internationale impliquant des scientifiques de l’Université Paris-Saclay, du CEA, du CNRS, de l’Ecole Polytechnique et de l’Observatoire de Paris vient de révéler la composition chimique d’un disque de matière en rotation autour d’une jeune étoile où se forment de nouvelles planètes. Les résultats révèlent le plus grand nombre de molécules carbonées jamais observées dans un tel disque, dont certaines détectées pour la première fois en dehors de notre système solaire. Ces découvertes ont des implications sur la composition potentielle des planètes en formation autour de cette étoile. Ces résultats, publiés dans la revue Science le jeudi 6 juin, ont été obtenus dans le cadre du programme temps garanti de l’instrument MIRI, développé par un consortium de laboratoires en Europe et aux Etats-Unis.

 

L’étude des disques protoplanétaires

Figure 1 : Impression d’artiste d’une jeune étoile entourée d’un disque de gaz et de poussière.
Crédits : NASA/JPL-Caltech

Les planètes rocheuses sont très communes autour des étoiles de très faible masse (moins de 0,3 masse solaire), comme en témoigne le fameux système planétaire TRAPPIST-1. On sait pourtant peu de choses sur la chimie de ces mondes, qui peuvent être semblables ou très différents de la Terre. En étudiant les disques à partir desquels ces planètes se forment, appelés disques protoplanétaires, les astronomes espèrent mieux comprendre le processus de formation des planètes et la composition des planètes qui en résultent.

 

Les disques protoplanétaires autour d’étoiles de très faible masse sont difficiles à étudier parce qu’ils sont plus petits et moins lumineux que les disques autour d’étoiles plus massives. Le programme appelé MIRI Mid-INfrared Disk Survey (MINDS) vise à utiliser les capacités uniques du télescope spatial James Webb (JWST) pour faire le lien entre les propriétés des disques et les propriétés des exoplanètes.

 

Un cocktail de molécules détectées autour de la jeune étoile ISO-ChaI-147

Figure 2 : Ce graphique représente le spectre du disque protoplanétaire autour de l’étoile ISO-ChaI-147 révélé par l’instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) du télescope spatial James Webb. Le spectre montre la chimie des hydrocarbures la plus riche observée à ce jour dans un disque protoplanétaire, avec 13 molécules carbonées, dont la première détection extrasolaire d’éthane (C2H6) et la première détection d’éthylène (C2H4), de propyne (C3H4) et de radical méthyle (CH3) dans un disque.
Crédits : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI)

Dans une nouvelle étude, cette équipe a exploré la région autour d’une étoile de très faible masse connue sous le nom d’ISO-ChaI-147, une étoile âgée de 1 à 2 millions d’années, dont la masse n’est que de 0,11 fois celle du Soleil.
 
Le spectre révélé par l’instrument MIRI du JWST montre la chimie d’hydrocarbure la plus riche observée à ce jour dans un disque protoplanétaire – un total de 13 molécules carbonées différentes (cf. Figure 2). L’équipe a notamment détecté pour la première fois de l’éthane (C2H6) en dehors de notre système solaire, ainsi que de l’éthylène (C2H4), du propyne (C3H4) et le radical méthyle CH3.

 

« Il est incroyable que nous puissions détecter et quantifier la quantité de molécules que nous connaissons bien sur Terre, comme le benzène, dans un objet situé à plus de 600 années-lumière », explique Agnès Perrin, chercheuse CNRS au Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD – CNRS/ENS-PSL/IPP/Sorbonne Université).

« L’an dernier, nous avions déjà découvert une très grande quantité d’acétylène (C2H2), de diacétylène (C4H2) et du benzène (C6H6) dans un disque autour d’une étoile similaire. Ici c’est un cocktail encore plus riche de molécules qui est découvert, confirmant que les disques autour de ce type d’étoile sont de vraies usines d’hydrocarbures », ajoute Benoît Tabone, chercheur CNRS à l’Institut d’Astrophysique Spatiale (IAS – Université Paris-Saclay/CNRS).

Une vision plus précise des disques autour des étoiles de très faible masse

Vidéo 1 : Illustration le spectre du disque protoplanétaire de l’étoile ISO-ChaI-147, capturé par l’instrument MIRI du télescope JWST, montrant le mouvement typique des molécules responsable de l’absorption dans le spectre.

Ces résultats ont des implications importantes pour la chimie du disque interne et des planètes qui pourraient s’y former. Comme le JWST a révélé que le gaz présent dans le disque est riche en carbone, il est probable qu’il reste peu de carbone dans les matériaux solides à partir desquels les planètes se formeraient. Par conséquent, les planètes rocheuses qui pourraient s’y former seraient finalement pauvres en carbone.
 

Ces travaux soulignent la nécessité cruciale pour les scientifiques de collaborer entre les différentes disciplines. L’équipe note que ces résultats et les données qui les accompagnent peuvent contribuer à d’autres domaines, notamment la physique théorique, la chimie et l’astrochimie, afin d’interpréter les spectres et d’étudier de nouvelles signature spectroscopique de molécules dans cette gamme de longueurs d’onde.

JWST