La NASA récompense l’équipe de la mise en service du JWST

 

La NASA a récemment décerné le Silver Group Achievement Award à 232 experts mondiaux pour leur contribution à la mise en service du télescope spatial James Webb (JWST). Ces experts ont travaillé 24 heures sur 24 pendant les six mois du commissioning. Leur travail acharné a permis d’obtenir pour tous les instruments des performances finales surpassant les spécifications initiales. Parmi cette équipe, on compte six Français.

 

Un travail d'équipe

Figure 2 – Christophe Cossou et Daniel Dicken dans le Centre de Contrôle des Opérations de la Mission JWST au Space Telescope Science Institute (STScI) au moment de la première observation avec l’instrument MIRI (first light), visible sur l’écran en arrière-plan.

Le télescope spatial James Webb (JWST) est le premier observatoire d’astrophysique au monde et un succès incontestable. Les équipes dédiées, qui ont confirmé le fonctionnement des instruments scientifiques (IS) et des sous-systèmes pendant les six mois de mise en service, sont la clé de ce succès. Grâce à des séquences méticuleusement planifiées et à une coordination soignée entre toutes les activités de l’observatoire, ces équipes internationales ont assuré une couverture 24h/24, examiné les données et résolu les problèmes dès qu’ils se présentaient.

Parmi eux, six Français : Pierre-Olivier Lagage (CEA Paris-Saclay), co-responsable de l’instrument MIRI, Christophe Cossou (CEA Paris-Saclay), Daniel Dicken (CEA Paris-Saclay et Institut d’Astrophysique Spatiale), Alain Coulais (CEA Paris-Saclay et Observatoire de Paris), Pierre Baudoz (Observatoire de Paris) et Pierre Guillard (Institut d’Astrophysique de Paris)

 

 

La mise en service de MIRI

Figure 3 – Equipe responsable de la mise en service de l’instrument MIRI au STSCI (Baltimore – USA) qui abrite le Centre d’Opération du JWST.

L’une des caractéristiques du JWST est d’observer dans la portion de l’infrarouge moyen du spectre électromagnétique via l’instrument MIRI (instrument Mid InfraRed) à forte contribution française. Les observations sont possibles grâce à un refroidissement actif fourni par un cryoréfrigérateur qui « extrait » la chaleur des plans focaux et des optiques de MIRI pour offrir des performances spectroscopiques sans précédent. Il a fallu attendre trois mois après le lancement du télescope pour que le cryoréfrigérateur atteigne la température requise de 7 K, soit près de -266°C.

 

« J’étais aux commandes quand on a démarré le cryoréfrigérateur et tout s’est magnifiquement passé. Voir en direct la température descendre… Là on se dit que ça va aller ! » Témoigne Alain Coulais, ingénieur de Recherche détaché au Département d’Astrophysique du CEA-Saclay

Grâce à une planification précise des tests et de l’analyse des données de la part des équipes (cf. Figure 3), l’instrument MIRI a été entièrement mis en service en seulement trois semaines. MIRI n’a rencontré qu’un seul problème : une caractéristique inattendue de lumière parasite a fait échouer la méthode prévue pour aligner les coronographes. Une fois ce problème résolu, les coronographes ont été alignés et ont dépassé leurs performances initialement prévues d’un facteur de quatre.

 

« Etre aux commandes pour activer l’ouverture de l’instrument vers le ciel, puis l’acquisition de la première image fut un moment magique, l’aboutissement de plusieurs années de préparation » Explique Christophe Cossou, ingénieur de Recherche au Département d’Astrophysique du CEA-Saclay

La mise en service de NIRCam

Figure 4 – Image de l’étoile 2MASS J17554042+6551277 prise par le télescope spatial James Webb après l’alignement de son miroir primaire. Les figures de diffraction autour de l’étoile confirme l’alignement parfait des 18 segments constituant le miroir primaire. 

Crédit : NASA/STScI

L’équipe responsable de la caméra proche infrarouge (NIRCam) a permis l’alignement optique des 18 segments du miroir primaire du JWST (cf. Figure 4). Ils ont traité les problèmes de stabilité de pointage, des états thermiques inattendus et de l’exécution des activités qui ont permis d’obtenir un télescope aligné qui dépasse les spécifications pour lesquels il a été construit.

 

La mise en service de NIRSpec

Figure 5. A Gauche : Schéma de l’agencement de l’assemblage des micro-obturateurs (MSA), avec des cibles scientifiques (en bleu) montrées dans leurs volets MSA ouverts (en vert). Crédit : NASA/STScI
A droite : Exemple d’utilisation des MSA pour mesurer la distance obtenue avec NIRSpec des galaxies individuelles parmi un champ de milliers de galaxies. Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI

Au sein de l’équipe du spectrographe proche infrarouge (NIRSpec), chaque observation a été soigneusement planifiée pour garantir une efficacité maximale, et toutes les activités de calibration ont été complétées dans les délais impartis.

NIRSpec utilise des réseaux de 250 000 micro-obturateurs (MSA), de petites fenêtres qui peuvent être sélectionnées individuellement pour observer des étoiles cibles (cf. Figure 5). Pour résoudre les problèmes d’acquisition de cibles MSA, l’équipe a passé des jours et des nuits à trouver des problèmes sur les systèmes connexes et à les résoudre.

 

La mise en service de FGS

Figure 6 – Cette image test du détecteur du FGS a été acquise sur une période de huit jours lors de la phase de la mise en service et des tests de performance du JWST. Bien que non optimisée pour la détection d’objets faibles, elle capture néanmoins des objets extrêmement faibles. 

Crédit: NASA, CSA, and FGS team.

Le capteur de guidage fin (FGS) fournit des images d’étoiles cataloguées au système de contrôle d’attitude 16 fois par seconde, permettant à Webb de pointer avec précision en restant très stable sur une longue durée (cf. Figure 6). Grâce aux efforts de l’équipe FGS, la précision de pointage dépasse là aussi les spécifications initialement prévues.

Le guidage nécessite une surveillance quasi constante depuis la console. L’équipe a effectué de nombreuses répétitions spécifiques au FGS pour se préparer au processus complexe d’alignement des miroirs. Leurs efforts ont conduit à plusieurs réalisations majeures qui ont amélioré les capacités de guidage. Ils ont analysé des images pour générer des paramètres mis à jour, améliorant ainsi les performances de guidage pour les étoiles brillantes et les champs encombrés, et ont également perfectionné les scripts de commande pour optimiser les performances globales.

 

La mise en service de NIRISS

Figure 7 – Courbe de lumière obtenu avec l’instrument NIRISS d’un transit de l’exoplanète géante WASP-96 b devant son étoile. NIRISS est parfaitement adapté à ce type d’observation à fort contraste. Lors de cette observation, l’instrument a pu mesurer des différences de luminosité de l’ordre de 0,02 %. 

Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI

Un problème résolu par l’équipe de l’imageur infrarouge proche et du spectrographe sans fente (NIRISS) était la lumière dispersée provenant de l’assemblage de l’échangeur de chaleur MIRI (HSA). Ils ont identifié le problème et confirmé qu’une fois le HSA refroidi, les niveaux de signal sont tombés aux limites attendues (cf. Figure 7).

Après une défaillance initiale de l’acquisition de cible, l’équipe a travaillé pour corriger les scripts embarqués, ce qui a abouti à une acquisition de cible qui dépasse les attentes.

 

Le ICDH et l’ISIM

Figure 8 – Falaises cosmiques dans la nébuleuse de la Carène prise par la caméra NIRCam, l’une des nombreuses images spectaculaires du JWST qui sont possibles grâce à l’effort d’une équipe internationale que le prix d’argent de la NASA récompense. 

Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI

Le module de commande et de traitement des données des instruments scientifiques intégrés (ICDH) et l’unité des services distants ISIM (IRSU) ne reçoivent pas les acclamations des instruments scientifiques, mais sans eux, il n’y aurait pas de logiciel pour prendre les images, pas de commande, et pas de données transmises au sol.

Cette équipe a soutenu les tests et les répétitions avant et après le lancement, travaillant 24 heures sur 24 pendant les six mois complets de mise en service. Non seulement leurs sous-systèmes ont fonctionné sans heurts, mais leur expertise a été une ressource précieuse pour les autres équipes en cas de problème.

Les résultats de la dévotion de l’équipe de mise en service conjointe sont graphiquement illustrés par les images inspirantes publiées au public (cf. Figure 8).

 

Le James Webb découvre toujours plus d’hydrocarbures dans les disques autour d’étoiles de très faible masse

 

Une équipe de recherche internationale impliquant des scientifiques de l’Université Paris-Saclay, du CEA, du CNRS, de l’Ecole Polytechnique et de l’Observatoire de Paris vient de révéler la composition chimique d’un disque de matière en rotation autour d’une jeune étoile où se forment de nouvelles planètes. Les résultats révèlent le plus grand nombre de molécules carbonées jamais observées dans un tel disque, dont certaines détectées pour la première fois en dehors de notre système solaire. Ces découvertes ont des implications sur la composition potentielle des planètes en formation autour de cette étoile. Ces résultats, publiés dans la revue Science le jeudi 6 juin, ont été obtenus dans le cadre du programme temps garanti de l’instrument MIRI, développé par un consortium de laboratoires en Europe et aux Etats-Unis.

 

L’étude des disques protoplanétaires

Figure 1 : Impression d’artiste d’une jeune étoile entourée d’un disque de gaz et de poussière.
Crédits : NASA/JPL-Caltech

Les planètes rocheuses sont très communes autour des étoiles de très faible masse (moins de 0,3 masse solaire), comme en témoigne le fameux système planétaire TRAPPIST-1. On sait pourtant peu de choses sur la chimie de ces mondes, qui peuvent être semblables ou très différents de la Terre. En étudiant les disques à partir desquels ces planètes se forment, appelés disques protoplanétaires, les astronomes espèrent mieux comprendre le processus de formation des planètes et la composition des planètes qui en résultent.

 

Les disques protoplanétaires autour d’étoiles de très faible masse sont difficiles à étudier parce qu’ils sont plus petits et moins lumineux que les disques autour d’étoiles plus massives. Le programme appelé MIRI Mid-INfrared Disk Survey (MINDS) vise à utiliser les capacités uniques du télescope spatial James Webb (JWST) pour faire le lien entre les propriétés des disques et les propriétés des exoplanètes.

 

Un cocktail de molécules détectées autour de la jeune étoile ISO-ChaI-147

Figure 2 : Ce graphique représente le spectre du disque protoplanétaire autour de l’étoile ISO-ChaI-147 révélé par l’instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) du télescope spatial James Webb. Le spectre montre la chimie des hydrocarbures la plus riche observée à ce jour dans un disque protoplanétaire, avec 13 molécules carbonées, dont la première détection extrasolaire d’éthane (C2H6) et la première détection d’éthylène (C2H4), de propyne (C3H4) et de radical méthyle (CH3) dans un disque.
Crédits : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI)

Dans une nouvelle étude, cette équipe a exploré la région autour d’une étoile de très faible masse connue sous le nom d’ISO-ChaI-147, une étoile âgée de 1 à 2 millions d’années, dont la masse n’est que de 0,11 fois celle du Soleil.
 
Le spectre révélé par l’instrument MIRI du JWST montre la chimie d’hydrocarbure la plus riche observée à ce jour dans un disque protoplanétaire – un total de 13 molécules carbonées différentes (cf. Figure 2). L’équipe a notamment détecté pour la première fois de l’éthane (C2H6) en dehors de notre système solaire, ainsi que de l’éthylène (C2H4), du propyne (C3H4) et le radical méthyle CH3.

 

« Il est incroyable que nous puissions détecter et quantifier la quantité de molécules que nous connaissons bien sur Terre, comme le benzène, dans un objet situé à plus de 600 années-lumière », explique Agnès Perrin, chercheuse CNRS au Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD – CNRS/ENS-PSL/IPP/Sorbonne Université).

« L’an dernier, nous avions déjà découvert une très grande quantité d’acétylène (C2H2), de diacétylène (C4H2) et du benzène (C6H6) dans un disque autour d’une étoile similaire. Ici c’est un cocktail encore plus riche de molécules qui est découvert, confirmant que les disques autour de ce type d’étoile sont de vraies usines d’hydrocarbures », ajoute Benoît Tabone, chercheur CNRS à l’Institut d’Astrophysique Spatiale (IAS – Université Paris-Saclay/CNRS).

Une vision plus précise des disques autour des étoiles de très faible masse

Vidéo 1 : Illustration le spectre du disque protoplanétaire de l’étoile ISO-ChaI-147, capturé par l’instrument MIRI du télescope JWST, montrant le mouvement typique des molécules responsable de l’absorption dans le spectre.

Ces résultats ont des implications importantes pour la chimie du disque interne et des planètes qui pourraient s’y former. Comme le JWST a révélé que le gaz présent dans le disque est riche en carbone, il est probable qu’il reste peu de carbone dans les matériaux solides à partir desquels les planètes se formeraient. Par conséquent, les planètes rocheuses qui pourraient s’y former seraient finalement pauvres en carbone.
 

Ces travaux soulignent la nécessité cruciale pour les scientifiques de collaborer entre les différentes disciplines. L’équipe note que ces résultats et les données qui les accompagnent peuvent contribuer à d’autres domaines, notamment la physique théorique, la chimie et l’astrochimie, afin d’interpréter les spectres et d’étudier de nouvelles signature spectroscopique de molécules dans cette gamme de longueurs d’onde.

Des chercheurs cartographient la météo sur une planète située à 280 années-lumière grâce au James Webb

Une équipe internationale de chercheurs, dont fait partie le CEA-Saclay et le LESIA, a utilisé le télescope spatial James Webb de la NASA pour cartographier la météo de la géante gazeuse chaude WASP-43 b.

Des mesures en infrarouge moyen obtenues avec l’instrument MIRI, combinées à des modèles climatiques 3D et à d’autres observations suggèrent la présence de nuages épais et denses du côté nuit, un ciel dégagé du côté jour, et des vents équatoriaux atteignant jusqu’à 8 000 km/h, mixant les gaz atmosphériques autour de la planète.

Cette étude démontre les avancées de la science des exoplanètes grâce aux capacités uniques du JWST à mesurer les variations de température et à détecter les gaz atmosphériques à des centaines d’année-lumière de nous.

Cette étude fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Nature Astronomy.

Jupiter chaud lié par effet de marée

Figure 1 – Vue d’artiste de l’exoplanète géante gazeuse WASP-43 b située à environ 280 années-lumière dans la constellation du Sextan. 

Crédits : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI)

WASP-43 b est une exoplanète de type “Jupiter chaud” (Figure 1). De taille similaire à Jupiter et principalement composée d’hydrogène et d’hélium, elle est beaucoup plus chaude que les géantes gazeuses de notre propre système solaire, en raison de sa proximité avec son étoile, à moins de 1/25e de la distance entre Mercure et le Soleil.
Avec une orbite aussi serrée, la planète est gravitationnellement bloquée par effet de marée, présentant ainsi toujours la même face à son étoile. Elle a donc un côté continuellement illuminé et l’autre dans l’obscurité permanente. Toutefois, même si le côté nuit ne reçoit jamais de radiation directe de l’étoile, des vents atmosphériques orientés vers l’est transportent la chaleur du côté jour.
Depuis sa découverte en 2011, WASP-43 b a été observée avec de nombreux télescopes, dont les télescopes spatiaux Hubble de la NASA et Spitzer qui n’est plus en service.

“Avec Hubble, nous pouvions clairement voir qu’il y a de la vapeur d’eau du côté jour. Tant Hubble que Spitzer ont suggéré qu’il pourrait y avoir des nuages du côté nuit,” explique Taylor Bell, chercheur à la BAER Institute et auteur principal de cette étude. “Mais nous avions besoin de mesures plus précises du JWST pour commencer vraiment à cartographier la température, la couverture nuageuse, les vents et la composition atmosphérique plus détaillée tout autour de la planète.”

Cartographier la température et déduire la météo

Figure 2 – Courbe de phase du système WASP-43, obtenue par le spectromètre MIRI à basse résolution (LRS) du télescope spatial James Webb pendant 24h. La courbe de phase montre le changement de luminosité du système WASP-43 au fil du temps, lorsque la planète tourne autour de son étoile. Le système apparaît le plus lumineux lorsque le côté chaud de la planète fait face au télescope, juste avant et après son passage derrière l’étoile. Le système s’assombrit au fur et à mesure que la planète poursuit son orbite et que le côté nuit est visible par rotation. Il s’éclaircit à nouveau après être passé devant l’étoile, lorsque le côté jour revient dans le champ de vision. 
Crédits : Image : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI) ; Science : Taylor J. Bell (BAERI), Joanna Barstow (Open University), Michael Roman (University of Leicester).
La courte période orbitale de WASP-43 b, seulement 19,5 heures, en fait un candidat idéal pour la spectroscopie en courbe de phase, qui consiste à mesurer la variation de luminosité du système étoile-planète pendant que la planète orbite autour de l’étoile. Cette technique permet de cartographier la température à la surface de toute la planète.
 
En effet, la température d’un astre est étroitement liée à la quantité de lumière qu’il émet. Pour mesurer la lumière émise par la planète, on calcule la différence entre la luminosité de l’étoile seule (lorsque la planète est cachée derrière elle) et la luminosité combinée de l’étoile et de la planète (lorsque la planète est visible).
 
L’instrument MIRI, optimisé pour l’infrarouge moyen (de 5 à 12 microns), du JWST est un outil parfait pour cette technique car, d’une part, une planète émet principalement dans cette gamme spectrale du fait de sa température intrinsèque, et d’autre part, il faut que l’instrument soit suffisamment sensible pour détecter des différences de luminosité de l’ordre de quelques parties par million, soit 40 parties par million (0,004 %) dans le cas de WASP-43 !
 

L’équipe a donc pointé MIRI vers WASP-43 afin de mesurer la lumière du système toutes les 10 secondes pendant plus de 24 heures, soit un peu plus que le temps nécessaire à WASP-43 b pour faire le tour de son étoile. La Figure 2 montre le résultat des quelques 8 000 mesures prises dans l’infrarouge moyen.

Figure 3 – Ce graphique présente la variation de la température à la surface de l’exoplanète géante gazeuse WASP-43 b. Le côté jour possède une température moyenne d’environ 1250°C, tandis que celle du côté nuit est d’environ 600°C. Cette différence de température s’explique par le fait que la planète présente toujours la même face à son étoile, mais également par d’autres facteurs comme la vitesse du vent et la présence de nuages. Des modèles atmosphériques 3D complexes révèlent que le point le plus chaud de la planète n’est pas directement sous l’étoile, mais décalé d’environ 7 degrés vers l’est en raison de forts vents équatoriaux déplaçant l’air chaud à l’horizontale avant qu’il ne puisse rayonner de l’énergie vers l’espace. Ces vents transportent la chaleur vers le côté nuit, bien que ce dernier apparaisse tout de même trop froid, probablement en raison de nuages qui retiennent l’énergie thermique.

Crédit : Image : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI) ; Science : Taylor J. Bell (BAERI); Joanna Barstow (Open University); Michael Roman (University of Leicester)

“En observant sur toute une orbite, nous avons pu calculer la température des différents côtés de la planète lorsqu’ils entrent en vue,” explique Bell. “À partir de là, nous avons pu construire une carte approximative de la température à travers la planète.”

Les mesures montrent que le côté jour a une température moyenne de près de 1 250°C tandis que le côté nuit est significativement plus froid avec 600°C (cf. Figure 3). Les données aident également à localiser le point le plus chaud de la planète (le “point chaud”), qui est légèrement décalé vers l’est par rapport au point qui reçoit le plus de radiation stellaire (le « point substellaire »), là où l’étoile est la plus haute dans le ciel de la planète. Ce décalage se produit en raison des vents supersoniques, qui déplacent l’air chauffé vers l’est.

“Le fait que nous puissions cartographier la température de cette manière est un véritable témoignage de la sensibilité et de la stabilité de Webb,” déclare Michael Roman, co-auteur de l’Université de Leicester au Royaume-Uni.

Pour interpréter la carte, l’équipe a utilisé des modèles atmosphériques 3D complexes similaires à ceux utilisés pour comprendre la météo et le climat sur Terre. L’analyse montre que le côté nuit est probablement recouvert d’une épaisse couche nuageuse à haute altitude qui empêche une partie de la lumière infrarouge de s’échapper dans l’espace. En conséquence, le côté nuit – bien que très chaud – semble plus sombre et plus froid qu’il ne le serait s’il n’y avait pas de nuages.

Méthane manquant et vents forts

Figure 4 – Ce graphique compare les molécules attendues et observées dans l’atmosphère de l’exoplanète WASP-43 b, de jour comme de nuit. Comme attendu, la vapeur d’eau est présente des deux côtés, contraignant l’épaisseur des nuages et leur altitude dans l’atmosphère. Cependant, l’absence de méthane dans l’atmosphère, surtout du côté nuit, étonne car étant plus frais, il devrait exister. Les chercheurs expliquent cette absence par des vents extrêmement rapides, atteignant au moins 8000 km/h, qui empêchent la formation de méthane du côté nuit à des seuils détectables par le JWST. 
Crédits : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI), Joanna Barstow (Open University).

Le large spectre de lumière en infrarouge moyen (de 5 à 12 microns) capturé par le James Webb a également permis de mesurer la quantité de certaines molécules dans l’atmosphère de la planète WASP-43 b.

“Webb nous a donné l’opportunité de déterminer exactement quelles molécules nous observons et de mettre des limites sur les abondances,” déclare Joanna Barstow, co-auteur de l’Open University au Royaume-Uni.

Les spectres montrent des signes clairs de vapeur d’eau tant du côté nuit que du côté jour de la planète, fournissant des informations supplémentaires sur l’épaisseur des nuages et leur altitude dans l’atmosphère.

 

Cependant, les données montrent l’absence de méthane dans l’atmosphère. Du côté jour, cela n’est pas étonnant car il y fait trop chaud pour que la molécule puisse exister (la majeure partie du carbone devrait être sous forme de monoxyde de carbone). Toutefois, elle devrait être stable et détectable du côté nuit car plus frais.

“Le fait que nous ne voyions pas de méthane nous indique que WASP-43 b doit avoir des vitesses de vent atteignant environ 8000 km/h” explique Barstow. “Si les vents déplacent assez rapidement le gaz du côté jour vers le côté nuit et vice versa, il n’y a pas assez de temps pour que les réactions chimiques attendues produisent des quantités détectables de méthane du côté nuit.”

L’équipe pense qu’en raison de ce mélange induit par le vent, la chimie atmosphérique est la même tout autour de la planète, ce qui n’était pas évident d’après les travaux précédents avec Hubble et Spitzer.

La Supernova iconique SN 1987A sous le projecteur du JWST

Les supernovae sont des corps célestes fondamentaux dans l’évolution de l’univers, mais elles revêtent toujours d’importants mystères comme, par exemple, leur contribution relative à la production de poussières dans l’univers primordial. 

La supernova SN 1987A est apparue le 23 février 1987 dans le Grand Nuage de Magellan, à quelques 165000 années-lumière de nous. C’est la première supernova visible en 400 ans, depuis celle de 1604, dite de Kepler, en l’honneur de Johannes Kepler, qui en fut un de ses observateurs les plus assidus, et qui s’est produite, elle, dans notre Galaxie (plus précisément dans la constellation d’Ophiuchus). Née à l’ère des télescopes, SN 1987A a été depuis sa naissance, et est toujours, observée par les moyens les plus modernes dont disposent les astronomes. Elle est devenue à ce titre une véritable icone, sans être vraiment emblématique de sa classe. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’elle soit une des premières cibles du Télescope Spatial James Webb, le JWST, dont il n’est plus nécessaire de souligner l’extrême sensitivité et l’excellente résolution angulaire.

Figure 1 – Image de SN 1987A et de son environnement, obtenue en 2022 avec le Télescope Spatial Hubble (HST) à travers un filtre centré sur la longueur d’onde de l’hydrogène à 1.08 micron. Les contours indiquent la région d’où provient l’émission d’argon fortement ionisé observée avec le MRS et NIRSpec, qui marque la présence d’un objet compact (voir le dernier paragraphe de cet article). L’étoile indique le centre de l’anneau équatorial (Fransson et al., 2024).

 

Le domaine spectral qui correspond à l’infrarouge est très important: il complète les autres domaines de longueurs d’onde du spectre électromagnétique d’un corps céleste, ce qui est nécessaire pour comprendre les mécanismes physiques qui sont en jeu; de plus, il permet non seulement d’étudier les poussières mais aussi de voir des sources lumineuses qui peuvent être cachées par ces poussières.  

Si plusieurs observations de supernovae ont été réalisées dans l’infrarouge proche (entre 1 et 5 micron), SN 1987A est la seule supernova à avoir été observée dans l’infrarouge moyen (entre 5 et 30 micron) pour être la seule connue qui soit suffisamment brillante à ces longueurs d’onde. Ces observations ont démarré depuis son apparition, mais c’était alors depuis le sol, avec tous les inconvénients que produit l’atmosphère à ces longueurs d’onde. Tous les instruments du JWST ont magnifiquement pallié ces inconvénients pour donner aux astronomes une nouvelle vision des mécanismes physiques en cours, du cœur de la supernova à son environnement circumstellaire, et jusqu’au milieu interstellaire.


Une description de l’environnement de SN 1987A ainsi qu’un compte rendu des premières observations effectuées avec le JWST se trouvent ici. Ces observations se sont poursuivies, et des résultats spectaculaires ont été obtenus. Ils sont décrits dans ce qui suit.

SN 1987A vue en Infrarouge Moyen

Avec l'imageur MIRIm

Carte des températures calculées avec un modèle standard de la composition des poussières, sur laquelle sont superposés les contours de l’image obtenue à 5,6 micron (le niveau des contours en mJy/pixel est indiqué sur la figure) (Bouchet et al., 2024).

MIRI, conçu et construit en grande partie par le CEA, sous l’égide du CNES, est l’instrument du JWST qui observe dans l’infrarouge moyen. Sa composante imageur a permis d’élaborer une carte détaillée des températures en jeu, tout en fournissant des données inédites sur la morphologie de ce que les astronomes appellent « les Restes de la Supernova » (Supernova Remnant).  Une attention particulière a été portée sur les poussières : certaines résultent de l’évolution de l’étoile progénitrice (elles sont donc antérieures à l’évènement) et se trouvent en particulier dans les différents anneaux, tandis que d’autres se sont condensées dans les éjecta pendant l’évènement. A l’aide de l’imageur de MIRI, une destruction des poussières dans certaines zones, et une nouvelle condensation de celles-ci dans d’autres ont pu être observées. Les images obtenues montrent que l’onde de choc initiale, véritable moteur du phénomène, a maintenant atteint les régions extérieures du milieu circumstellaire (voir l’article de Bouchet et al.).

Images obtenue à 5,6, 10, 18 et 25,5 micron avec l’imageur de MIRI (MIRIm), avec les contours de l’image obtenue avec le MRS à 6,985 micron, qui correspond à la longueur d’onde de l’argon doublement ionisé. Les dimensions du faisceau lumineux pour chaque longueur d’onde sont illustrées en bas à gauche de chaque image (Bouchet et al., 2024).

Avec le spectroscope MIRI MRS

Toujours dans l’infrarouge moyen (ou thermique), le spectrographe à moyenne résolution spectrale de MIRI (appelé MRS, pour Medium Resolution Spectrograph) a permis grâce à son excellent pouvoir de séparation spatial de distinguer en détails les éjecta de la supernova, l’anneau équatorial qui les entoure, et le milieu circumstellaire plus lointain. L’anneau équatorial est situé à une distance de 0,7 année-lumière du centre de la supernova, et résulte d’un épisode de l’évolution de son progéniteur il y a quelques 20000 ans. Le milieu circumstellaire plus lointain consiste en particulier en deux anneaux qui formerait un sablier s’il était vu perpendiculairement à son grand axe (voir figure dans l’actualité précitée). Lorsque du gaz en expansion heurte des régions denses, il se refroidit. Les spectres de la lumière émise dans ces différentes régions permettent de mettre en évidence certaines propriétés de ce gaz lorsqu’il rentre en contact avec l’anneau équatorial, et après le choc. Ils ont aussi conduit à l’identification d’éléments chimiques dans les milieux les moins denses, dont la forte ionisation pourrait avoir été produite par la progression d’une succession d’onde de chocs à travers l’anneau, ou par le rayonnement UV associé à l’origine de l’évènement. Le MRS a aussi montré que les grains de poussières les plus petits sont plus facilement détruits que ceux de dimensions supérieures, et a mis en lumière les principaux éléments qui composent les éjecta (voir l’article de Jones et al.)

SN 1987A vue en Infrarouge Proche

Avec l'imageur NIRCam

L’extraordinaire résolution angulaire de la caméra NIRCam (Near Infrared Camera) , avec un pouvoir de séparation de 0,05 seconde d’arc dans l’infrarouge proche a permis d’identifier pour la première fois trois régions bien distinctes : (1) de faibles croissants d’hydrogène moléculaire, situés entre les éjecta et l’anneau équatorial, (2) une barre qui est une substructure des éjecta, et (3) une émission continue brillante à l’extérieur de l’anneau. Dans les courtes longueurs d’onde (de 1 à 2,3 micron), les images de NIRCam montrent que le rayonnement provient d’une émission de raies qui révèlent la présence des éléments chimiques qui se trouvent dans les éjecta et dans certaines régions de l’anneau équatorial (que les astronomes appellent les points chauds). Par contre, dans la fenêtre spectrale comprise entre 3 et 5 micron, il s’agit d’une émission continue provenant de poussières dans les éjecta (poussières qui, par ailleurs, pourraient masquer le centre de la supernova), et d’une émission synchrotron dans l’anneau équatorial et son extérieur. Ces observations montrent que le refroidissement et la destruction des poussières sont plus rapides que le refroidissement du rayonnement synchrotron, qui est lui-même plus rapide que la recombinaison de l’hydrogène dans l’anneau. Un sous-produit très important de ces observations réalisées avec NIRCam, est que celles-ci ouvrent une nouvelle fenêtre dans l’étude de l’accélération des particules et de la physique des chocs dans des détails sans précédent, lorsqu’ils sont explorés par l’émission synchrotron dans le proche infrarouge. Ceci permet d’établir une image très précise de la façon dont une supernova évolue (voir l’article de Matsuura et al.).

Image composée à partir de cinq filtres de NIRCam (1,5 et 1.6 micron en bleu ; 2 micron en jaune ; 4 micron en orange; 4,4 micron en rouge). L’intérieur des éjecta est composé essentiellement de fer qui rayonne à 1.6 micron. A l’intérieur des éjecta, on aperçoit une barre alignée approximativement sur la direction Est – Ouest, et 2 croissants apparaissent entre les éjecta et l’anneau équatorial. Des points chauds sont aussi visibles dans l’anneau équatorial délimité par les 2 ellipses, mais on en trouve aussi à l’extérieur de cet anneau. La position des 2 anneaux extérieurs est indiquée par les ellipses en pointillés (Nord vers le haut, Est vers la droite). (Matsuura et al., 2024)

Avec le spectroscope NIRSpec

Pour clore cette série d’observations, le spectrographe NIRSpec (Near Infrared Spectrograph) a fourni la première spectroscopie spatialement résolue de l’éjecta et de l’anneau équatorial entre 1 et 5 micron. Pour la première fois aussi, des cartes en 3-D des émissions du fer à l’intérieur des éjecta ont pu être construites, ainsi que de celles de l’hélium dans le choc inverse (tout choc qui se propage dans une région dense génère un choc inverse) : la première sonde la géométrie de l’évènement et la seconde trace la composition du milieu circumstellaire. La carte 3-D du fer, prépondérant dans les éjecta, révèle une morphologie fortement asymétrique qui ressemble à un dipôle brisé dominé par deux gros amas animés de vitesses élevées (environ 2300 km/s). Ces observations prouvent également que l’intérieur de ces éjecta a commencé à interagir avec le choc inverse. NIRSpec a observé aussi de très nombreuses raies d’hydrogène moléculaire : celui-ci est très probablement excité par un rayonnement ultraviolet extrême, mais pourrait aussi résulter d’une combinaison de collisions et recombinaisons dans les couches des éjecta de basse température. Enfin, plusieurs raies coronales très fortement ionisées ont été identifiées dans l’anneau équatorial : leur existence requiert une température supérieure à 2 millions de degrés qui serait associée au rayonnement observé dans les hautes énergies, en particulier dans les rayons-X (voir l’article de Larsson et al.)

Image obtenue avec NIRSpec dans la région spectrale autour de 1,44 micron : c’est la longueur d’onde du fer que l’on voit dans les ejecta, alors que le fer et l’hydrogène qui sont présents dans l’anneau équatorial rayonnent à 1,427 et 1,460 respectivement. La courbe indiquée en pointillés délimite approximativement la région où le choc inverse est détecté (un seul composant du continuum est présent à cette longueur d’onde). L’anneau équatorial est incliné de 43°, et le Nord est dirigé vers l’observateur (Larsson et al., 2024).

Visualisation 3D de l’hélium présent dans le choc inverse. La position des anneaux extérieurs est indiquée par les ellipses bleu et rouge. L’anneau équatorial est connecté aux anneaux extérieurs par les lignes en pointillés pour aider à la visualisation (Larsson et al., 2024).

Un mystère finalement élucidé

Finalement, pour couronner magistralement cette moisson de résultats, le JWST a permis d’élucider un mystère de longue date. Les neutrinos sont des particules élémentaires, de masse pratiquement nulle, qui sont engendrées par des réactions nucléaires. Tandis que le Soleil produit des neutrinos de basse énergie, les neutrinos de haute énergie sont produits par des cataclysmes cosmiques extrêmement violents tels que les supernovae. L’implosion d’une supernova génère en effet une émission de neutrinos, puisque lors de l’effondrement gravitationnel du cœur de l’étoile, les électrons fusionnent avec les protons, produisant des neutrons et des neutrinos. Ces neutrinos sont hautement énergétiques (99% de l’énergie émise par les supernovae l’est sous forme de neutrinos) : une telle émission a été observée quelques heures avant l’apparition de l’évènement lumineux visible par les observatoires de Kamiokande II, IMB et Baksan (Kamiokande détecta 11 neutrinos, IMB 8 neutrinos et Baksan 5 neutrinos), le temps d’un éclair qui dura moins de 13 secondes.

 

Les observations de neutrinos constituent une preuve irréfutable que l’évènement a donné naissance à une étoile à neutron (ou à un trou noir), mais où est-elle?

Les neutrinos n’interagissant que très faiblement avec la matière, ils sont immédiatement libérés, c’est pourquoi le pic de neutrinos a été détecté 3 heures avant la contrepartie optique. Une étoile à neutrons peut présenter différents aspects : si elle tourne rapidement sur elle-même et qu’elle possède un puissant champ magnétique, elle projette alors le long de son axe magnétique un mince pinceau de radiations, et un observateur placé approximativement dans la direction de cet axe observera une émission pulsée par un effet de phare, appelée pour cette raison pulsar. Par contre, si elle n’est ni associée à un compagnon, ni entourée de matière circumstellaire, ou qu’elle n’a pas développé une émission pulsée, une étoile à neutrons est extrêmement difficile à détecter car seule l’émission thermique de sa surface est éventuellement décelable. De plus une étoile à neutron a un diamètre d’une dizaine de kilomètres seulement (pour une masse d’environ 3 milliard de tonnes !), ce qui en fait un des astres les plus petits de l’univers (hormis les trous noirs).

Très vite, de nombreuses recherches de cet astre résiduel ont été entreprises. Elles se sont toutes avérées négatives, que ce soit par des calculs de bilan énergétiques basés sur les observations, par la quête de pulses en utilisant des techniques de photométrie rapide, ou par de l’imagerie directe à toutes les longueurs d’onde. Pour expliquer ce manque de détection, les astronomes ont émis plusieurs hypothèses : les poussières environnantes masqueraient l’étoile à neutron ; la force du champ magnétique ne serait pas suffisante pour avoir formé un pulsar ; il y aurait bien un pulsar, mais le faisceau énergétique n’est pas dirigé dans notre direction…

 

Le JWST a enfin levé le voile :  la théorie indiquant que les photons ionisants émis par une étoile à neutron doivent exciter les raies d’émission des éléments lourds qui sont dans l’éjecta, il s’agit donc de rechercher ces émissions. Pour cela, l’équipe qui conduit cette recherche a analysé les données du MRS et de NIRSpec. La présence de raies fortement ionisées a été identifiée grâce à ces deux instruments. Elles sont dues en particulier à la présence d’argon et de souffre, qui sont justement des éléments produits par la combustion nucléaire de l’oxygène et du silicium. Ces raies en émission avaient déjà été détecté mais avec des résolutions (angulaire et spectrale) trop insuffisantes pour permettre de savoir si l’émission provenait des éjecta ou de l’anneau équatorial. Les observations du JWST ont prouvé sans ambigüité possible que l’émission provient d’une source centrale séparée de l’anneau, et qu’il ne s’agit pas d’une lumière diffusée par celui-ci.

Les raies étroites qui ont été observées ne peuvent être excitées que par une source de photons ionisants ou par une onde de choc. Les sources potentielles pourraient être : (1) des photons d’une nébuleuse de vent de pulsar (PWN, pour Pulsar Wind Nebula) générée par une étoile à neutron, (2) des photons qui proviennent directement d’une étoile à neutron qui se refroidit, (3) une accrétion sur un objet compact, ou (4) des chocs dans une nébuleuse de vent de pulsar. D’autres possibilités ont été envisagées, mais ont été écartées pour diverses raisons.

Quoiqu’il en soit, toutes les explications envisageables impliquent la présence d’une jeune étoile à neutron, ou d’un trou noir, au centre des éjectas. L’hypothèse du trou noir a été écartée parce que le progéniteur de SN 1987A avait une masse trop faible (inférieure à 20 masse solaire), tout comme le cœur de fer (qui avait aussi une masse inférieure à 2 masse solaire).

Il s’agit là d’une découverte majeure faite grâce aux observations réalisées par les instruments du JWST (voir l’article de Fransson et al.). Elle a d’ailleurs justifié d’un communiqué de presse émis par la Revue Science, et repris par la NASA et de très nombreux instituts.

 

Combinaison d’une image du télescope spatial Hubble de SN 1987A et de la source d’argon compacte. La source bleue faible au centre est l’émission de la source compacte détectée avec l’instrument JWST/NIRSpec. Autour de cette source, on aperçoit les débris stellaires, contenant la plupart de la masse, s’étendant à des milliers de km/seconde. La « chaîne de perles » intérieure brillante est le gaz des couches externes de l’étoile qui a été expulsé environ 20 000 ans avant l’évènement final. Les débris rapides entrent maintenant en collision avec l’anneau, ce qui explique les points lumineux.
En dehors de l’anneau intérieur se trouvent deux anneaux extérieurs, vraisemblablement produits par le même processus que celui qui a formé l’anneau intérieur. Les étoiles brillantes à la droite et à la droite de l’anneau intérieur ne sont pas liées à la supernova.

Note : il est coutume, dans l’immense majorité des articles traitant de supernovae, d’utiliser le terme “explosion” pour marquer l’évènement. Ce terme est impropre et prête à une grave confusion. Le mécanisme en jeu dans une supernova comme SN 1987A (dite de Type II), est le résultat d’un effondrement des couches extérieures sur le cœur de l’étoile, puis le collapse du cœur sur lui-même (composé essentiellement de fer). La matière qui s’effondre rebondit alors sur ce noyau dur. Elle est alors expulsée par une puissante onde de choc. C’est ce qui produit le phénomène observé. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une “explosion”, puisqu’il s’agit d’une “implosion” initiale. Par contre, une supernova de Type Ia résulte d’une explosion d’une étoile dans un système multiple.

MIRI confirme la présence de dioxyde de soufre dans l’atmosphère de WASP-39b

La Saturne Chaude WASP-39b a déjà fait parler d’elle à de nombreuses reprises. Après de nombreuses observations au sol et depuis l’espace avec Hubble et Spitzer, elle a été l’une des premières cibles du James Webb Space Telescope (JWST). En novembre 2022, l’observatoire spatial observe l’exoplanète dans le proche infrarouge, permettant aux scientifiques de découvrir la molécule de dioxyde de carbone (CO2) pour la première fois de manière sans équivoque dans son atmosphère (cf. article du 26 août 2022). Peu de temps après un second article y révèle la présence de dioxyde de souffre (S02), constituant la première preuve d’une photochimie complexe ayant lieu dans les exoplanètes à haute température (cf. article du 26 décembre 2022). En 2023, une équipe de chercheur pointe de nouveau le JWST vers WASP-39b en utilisant cette fois-ci MIRI, l’instrument en infrarouge moyen, afin d’élargir le spectre dans l’infrarouge lointain. Cette nouvelle étude publiée dans la revue Nature confirme la présence du SO2, en mesurant précisant son abondance et ainsi mieux comprendre la photochimie qui façonne l’atmosphère de WASP-39b.

L’étude de WASP-39b entre dans une nouvelle ère avec le JWST

Figure 1 – Les spectres obtenus par les trois instruments proche infrarouge à bord du JWST, NIRSpec, NIRCam et NIRISS, informent les scientifiques sur la composition chimique de l’atmosphère de la géante gazeuse WASP-39b
Crédit : NASA, ESA, CSA, J. Olmsted (STScI).

WASP-39b est une géante gazeuse de masse équivalente à Saturne dont le diamètre surpasse d’un tiers celui de Jupiter, lui attribuant le statut de « Saturne Chaude ». Ce gonflement extrême est dû à sa température élevée d’environ 900°C liée à sa forte proximité avec son étoile (distance d’environ un huitième de celle Soleil-Mercure). Du fait de son atmosphère étendue et de transits fréquents (passage de la planète devant son étoile dans l’axe de visée de nos télescopes), cette planète offre un terrain propice à l’observation de son atmosphère et un sujet idéal pour l’étude des atmosphère exoplanétaires en spectroscopie de transmission. Les télescopes au sol et spatiaux, avec Hubble et Spitzer, ont permis de révéler la présence de vapeur d’eau (H20), de monoxyde de carbone (CO), de sodium (Na), et de potassium (K).

 

Avec l’arrivée de JWST, cette étude est entrée dans une toute nouvelle ère, avec des observations dépassant considérablement les précédents relevés. En 2022, le JWST pointe ses instruments dans le proche infrarouge (de 1 à 5 µm). Cette nouvelle analyse a permis la détection sans équivoque du dioxyde de carbone (CO2) ainsi que le dioxyde de soufre (SO2) à la liste des gaz détectés (cf. Figure 1). La présence de ce composé soufré, lié à la photochimie, suggère que ce phénomène, jusqu’alors inobservé dans une exoplanète, est un processus clé dans les atmosphères à haute température. Néanmoins, cette dernière détection se basait sur une seule raie moléculaire du SO2 (à 4,05 μm) avec une amplitude réduite dans le spectre de transmission de WASP-39b. Il était crucial d’étendre la gamme spectrale d’observation pour analyser d’autres bandes d’absorption du SO2, permettant ainsi de mieux contraindre son abondance.

MIRI confirme la présence du SO2 et fournit une mesure plus précise de son abondance

Figure 2 – Spectre obtenu avec les données du spectromètre basse résolution (LRS) de MIRI. Les croix jaunes représentent les données, et les lignes colorées, aux meilleurs ajustements de divers modèles d’atmosphères planétaires. Les régions ombrées colorées représentent les incertitudes respectives à chaque modèle de 1σ. Les modèles sont unanimes sur la présence du SO2 aux longueurs d’onde caractéristiques à 7,7 et 8,5 μm. Au-delà de 10 µm, il semble avoir une diminution du spectre probablement dû à une autre source de bruit du détecteur ou à un artefact qui n’est pas encore bien compris.
Crédit : Image tirée de l’article de Powell et al. 2024

C’est désormais chose faite ! En février 2023, WASP-39b est de nouveau observé par le JWST mais dans le moyen infrarouge cette fois-ci, par le spectromètre basse résolution (LRS) de MIRI, entre 5 à 12 µm. Cette étendue spectrale permet l’analyser de deux raies moléculaires caractéristiques supplémentaires de la molécule S02 : à 7,7 et 8,5 μm (Figure 2). En ajustant plusieurs modèles d’atmosphères planétaires, avec des compositions différentes, les chercheurs ont ainsi confirmé la présence du dioxyde de souffre dans l’atmosphère de WASP-39b et d’en contraindre l’abondance à 0,5 à 25 ppm (plage de 1σ), en accord avec des résultats antérieurs. Cette nouvelle étude démontre que la photochimie façonne l’atmosphère de WASP-39b sur une large plage de longueurs d’onde.

La Royal Astronomical Society récompense l’équipe MIRI pour sa contribution au télescope spatial James Webb

La Royal Astronomical Society a annoncé aujourd’hui que leur prestigieux Group Achievement Award a été décerné à l’équipe internationale qui a développé l’instrument Mid InfraRed (MIRI) pour le télescope spatial James Webb (JWST). Ce prix récompense l’impressionnante réussite de l’équipe, qui a su mener à bien un projet international aussi long et complexe, ainsi que permettrent des résultats scientifiques impressionnants qui émergent de MIRI.

Figure 1 – Dernière inspection de MIRIm, l’imageur de MIRI .
Crédit photo : CEA/DAp

 

MIRI est le fruit d’une collaboration entre l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique (figure 2). L’équipe qui a conçu et développé l’instrument MIRI du JWST, a été dirigé par Gillian Wright du Royal Observatory of Edimburgh (ROE) et de George Rieke de l’Université d’Arizona. MIRI, seul instrument du télescope spatial à travailler dans l’infrarouge moyen, entre 5 et 28 microns, est formé d’un spectrographe, MRS (MIRI medium-resolution spectrometer), et d’un imageur, MIRIm (figure 1). Sous l’égide du CNES, le département d’astrophysique du CEA-Irfu, fort d’une expertise étendue dans le domaine de l’infrarouge moyen depuis les années 1980, a assuré la matrise d’œuvre de MIRIm.

“Quelle belle nouvelle pour l’équipe en ce début d’année !” commente Pierre-Olivier Lagage, responsable scientifique de la participation française à MIRI et qui s’est investi dans ce projet depuis 1998. “Nous avions le sentiment d’avoir fait de l’excellent travail avec le développement de MIRI et que MIRI permettait d’obtenir des informations cruciales pour l’avancée de nombreuses problématiques astrophysiques. Que ça soit reconnu par la Royal Astronomical Society est une très grande satisfaction.”

Une collaboration internationale

Figure 2 – MIRI est un projet collaboratif qui regroupe des organisations, des universités et des instituts du monde entier. Les instituts leaders dans chaque pays sont mis en évidence sur la carte.
Crédit M. Garcia-Marin, ESA

Les équipes françaises ont largement contribué à l’instrument MIRI. Elles ont été en charge de la conception, de la réalisation, des tests et de la livraison de l’imageur MIRIm (hors détecteur fourni par la NASA). Cette contribution a été réalisée sous la maîtrise d’oeuvre du CEA ; quatre départements de l’Irfu ont participé (DEDIP, DIS, DACM et DAp) ainsi que trois laboratoires français : le LESIA (Coronographes), l’IAS (Conception du simulateur de télescope), et le LAM (Réalisation des essais en vibration).

D’autres pays européens ont contribué à MIRIm sous management de UK :  la Belgique – Centre Spatial de Liège (réalisation des miroirs), l’Allemagne – Max Planck Institute (fourniture du mécanisme de la roue à filtre), La Suède – University of Sweden et l’Irlande (réalisation des filtres optiques).

Figure 3. Le gain sur l’image du JWST est très visible grâce à son miroir primaire nettement plus grand et à ses détecteurs améliorés. A gauche : WISE/NASA ; au milieu : Spitzer/NASA/JPL-Caltech ; à droite : MIRI/NASA/ESA/CSA/STScI

 

Les premières observations sur le ciel avec MIRI (en 2022) ont tout de suite montré l’énorme gain en performances que le JWST apportait (Figure 3)

“Cette première image de MIRI m’a beaucoup ému”, témoignait Pierre-Olivier Lagage en avril 2022. “Les images sont d’une qualité exceptionnelle. Elles sont bien plus fines que celles produites par le télescope Spitzer, qui avait également photographié le Grand Nuage de Magellan.”

Le programme ExO-MIRI

Figure 4. Composition atmosphérique de WASP-107b obtenu grâce au spectromètre de basse résolution LRS de MIRI. Les bandes spectrales colorées en bas de l’image représentent les bandes caractéristiques des molécules détectées : En rouge, il s’agit de l’eau à l’état vapeur (H20), en bleu du sulfure de dioxyde (S02) et en jaune, le continuum du silicate (Si02). Le meilleur modèle atmosphérique représentatif des observations faites avec MIRI (points blancs) est dessiné en ligne orange.
Crédits : Michiel Min / European MIRI EXO GTO team / ESA / NASA

 

Une petite partie du temps d’observation est réservée aux astrophysiciens ayant participé au développement instrumental (450 heures pour le consortium européen MIRI). Dans ce cadre, le CEA coordonne le programme ExO-MIRI consacré à l’observation des exoplanètes.

“Ce programme a déjà engrangé de très beaux succès qui montrent le potentiel unique de MIRI” indique Pierre-Olivier Lagage, responsable du programme. “Tous les modes observationnels de MIRI ont été utilisés”:

  • Le mode imagerie a permis de détecter la très faible lueur émise par la planète rocheuse tempérée Trappist-1 b et de contraindre la présence d’une atmosphère (1ere série d’observation en novembre 2022 : Greene et al. 2023 et Actualité de juin 2023, et 2ie série d’observations en juillet 2023, Ducrot, E., Lagage, P.-O. et al. soumis à Nature Astronomy)
  • Le mode spectroscopie a permis de détecter pour la première fois du dioxygène de souffre dans l’atmosphère de WASP-107 b (figure 4), une planète géante ‘cotonneuse’ et aussi de déterminer la nature des aérosols présents dans cette atmosphère, des silicates (Dyrek, A. et al., Nature et Actualité de novembre 2023)
  • Grâce au mode coronographique, ont pu être observées, par imagerie directe, les 4 planètes géantes autour de l’étoile HR8799 (Boccaletti et al., A&A 2024) (cf. Figure 5)
  • Le mode spectroscopique moyenne résolution (MRS) a permis de détecter la présence d’ammoniaque dans l’objet sub-stellaire Wise J1828  et de déterminer le rapport entre les deux isotopoloques 15NH3 et 14NH3 , ce qui permet de contraindre la formation de cet objet (Barrado et al. Nature ; Actualité de novembre 2023)

Figure 5. Voici l’une des images MIRIm du JWST de HR 8799 et de ses quatre planètes.
Credit: Boccaletti et al. 2023

MIRI est l’un des quatre instruments scientifiques embarqués à bord du JWST et le seul à fonctionner aux longueurs d’onde de l’infrarouge moyen (5-28 microns). Avec ses capacités d’imagerie, de spectroscopie et de coronographie dans l’infrarouge moyen, MIRI élargit considérablement l’éventail des activités scientifiques de l’observatoire. Les images spectaculaires et les données scientifiques fournies par MIRI redéfinissent notre compréhension du cosmos. Elles offrent de nouvelles perspectives sur les atmosphères des planètes au-delà de notre système solaire et fournissent de nouvelles données sur la formation des étoiles et des galaxies. De nombreux faits scientifiques marquants des deux premières années d’exploitation de MIRI peuvent être consultés sur le site très complet du webbtelescope.org/news

La piste de l’ammoniac mène aux exoplanètes

Le consortium de laboratoires qui a développé l’instrument MIRI du JWST bénéficie de temps garanti d’observations. Le Département d’Astrophysique du CEA qui fait partie du consortium a défini et coordonne le programme d’observations des exoplanètes. Parmi les objets sélectionnés, quelques naines brunes qui sont d’excellents proxy pour étudier les exoplanètes géantes, notamment celles qui orbitent loin de leur étoile, bien plus loin que les planètes de notre système solaire. En effet les processus physiques et chimiques qui régissent les naines brunes sont très semblables. Les premiers résultats concernant la naine brune froide W1828 viennent d’être publiés dans la revue Nature. En pointant le télescope spatial James Webb (JWST) vers cet objet, une équipe de chercheurs incluant des chercheurs du DAp-AIM, a pu mesurer avec l’instrument MIRI et, pour la première fois, les isotopologues de l’ammoniac dans l’atmosphère d’une naine brune froide, ouvrant la voie vers une meilleure compréhension de la formation des exoplanètes

Ces résultats ont été publiée dans la prestigieuse revue Nature.

Les Naines Brunes, ces astres entre planètes et étoiles

Figure 1 – Illustration d’artiste de la naine brune froide WISE J1828, montrant les molécules d’eau (H20), de méthane (CH4) et d’ammoniac (NH3) détectées dans le spectre obtenu avec le JWST. 

Crédit ETH Zurich / Polychronis Patapis

 

Les naines brunes sont des corps célestes situés à la frontière entre les étoiles et les planètes. Leur masse est insuffisante pour amorcer la fusion thermonucléaire de l’hydrogène en leur cœur, comme le font les étoiles, mais suffisante pour amorcer la fusion du deutérium, contrairement aux planètes. À bien des égards, ces astres ressemblent à des planètes géantes gazeuses, ce qui en fait d’excellents laboratoires pour l’étude des exoplanètes.

 

La naine brune WISE J1828 se trouve à 32,5 années-lumière de la Terre, dans la constellation de la Lyre. Son rayon n’est supérieur que d’un tiers à celui de Jupiter, pour une masse 15 fois plus grande. Avec une température de surface de seulement 100 degrés Celsius, elle fait partie de la classe spectrale Y, dont les atmosphères sont dominées par l’absorption de l’eau, du méthane et de l’ammoniac. À ces températures, l’émission lumineuse de ces naines brunes culmine dans l’infrarouge moyen. L’arrivée du JWST va révolutionner l’étude de ces astres car son capteur infrarouge MIRI (Instrument infrarouge moyen) couvre toute leur plage lumineuse jusqu’alors difficilement observable.

L'isotope de l’ammoniac, un traceur de la formation des exoplanètes.

Figure 2 – Spectre de WISE J1828 mesuré par l’instrument MIRI à bord du JWST. On voit clairement les bandes d’absorption caractéristiques de l’ammoniac, des molécules d’eau et de méthane qui provoquent une atténuation du signal dans la plage de longueurs d’onde entre 9 et 13 μm, 5 et 7 µm, et autour de 7,6 µm respectivement. La région zoomée du spectre montre un exemple d’une bande d’absorption de 15NH3 identifiée avec la résolution du spectromètre MIRI. 

Crédit: ETH Zurich / Polychronis Patapis.

Les isotopes sont des atomes qui possèdent le même nombre de protons mais un nombre différent de neutrons. En raison de leur masse atomique différente, les isotopes d’un même élément ont des propriétés physiques différentes, et donc des signatures spectrales qui diffèrent. Ils sont largement utilisés sur Terre. On pense notamment à la datation au carbone 14, qui permet d’estimer l’âge des os ou des fossiles.
 
En astronomie, ils occupent une place de plus en plus importante. Par exemple, le rapport des isotopes du carbone-12 (12C) et du carbone-13 (13C) dans l’atmosphère d’une exoplanète peut être utilisé pour déduire la distance à laquelle l’exoplanète s’est formée autour de son étoile centrale. Jusqu’à présent, le 12C et le 13C, liés dans le monoxyde de carbone, étaient les seuls isotopologues – molécules qui ne diffèrent que par la composition de leurs isotopes – pouvant être mesurés dans l’atmosphère des exoplanètes. Mais pour les objets froids, il est très difficile d’avoir accès à ces rapports isotopiques.
 

Grâce à cette nouvelle étude, l’équipe de chercheurs a démontré qu’il était également possible d’utiliser les isotopologues de l’ammoniac (NH3) comme traceur de la formation des exoplanètes. En effet, ils ont détecté pour la première fois dans l’atmosphère d’une naine brune froide, servant ici de proxy pour les exoplanètes, la signature spectrale caractéristique de la présence des molécules 14NH3 (écrit aussi 14N) et 15NH3 (15N). Même si elles ne diffèrent que d’un neutron dans le noyau de l’azote, nous pouvons clairement les distinguer dans le spectre observé (cf. Figure 2).

Un nouvel outil de diagnostic pour la formation des exoplanètes

Figure 3 – Ce schéma résume différentes phases de la formation des étoiles et des planètes et la relation entre le fractionnement de l’ammoniac (NH3) et l’évolution du rapport 14N/15N à différents stades : à l’intérieur d’un nuage moléculaire avec des noyaux pré-stellaires (en haut à gauche), pendant la formation d’une protoétoile (en haut à droite) et dans un disque circumstellaire autour d’une jeune étoile (en bas). 

Crédit : adapté de l’article Barrado, D. et al. 15NH3 in the atmosphere of a cool brown dwarf. Nature (2023).

 

Les géantes gazeuses telles que Jupiter ou Saturne n’existent pas seulement dans notre système solaire, mais on les retrouve également dans d’autres systèmes exoplanétaires.  Certaines orbitent très loin de leur étoile et la question de leur formation se pose. Se sont-elles formées dans le disque proto-stellaire comme les étoiles par instabilité gravitationnelle ou plus tard dans le disque protoplanétaire ? Le rapport 14NH3 / 15NH3 est un traceur, c’est-à-dire un indicateur, qui pourrait être utilisé à l’avenir pour étudier la formation de ces planètes.
 

En effet comme indiqué sur la Figure 3, dans un disque protoplanétaire, le rapport 14NH3 sur 15NH3 dépend de la distance à l’étoile et augmente fortement entre la ligne de glace de l’ammoniac (NH3) et la ligne de glace de l’azote moléculaire (N2). Cette variation est encore très qualitative ; mais la tendance est là.

 

À cet égard, l’ammoniac et la quantité de ses isotopologues peuvent non seulement fournir des informations sur la manière dont une exoplanète s’est développée, mais aussi sur l’endroit du disque protoplanétaire où elle s’est formée. Le rapport 14N/15N peut contraindre les emplacements de formation par rapport aux lignes de glace de NH3 et de N2 du disque, faisant de l’ammoniac un nouvel outil pour comprendre la formation des géantes gazeuses. Cette hypothèse pourra être testée sur les exoplanètes froides loin de leur étoile, et donc directement imageable par le JWST.

Détection de vapeur d’eau, de dioxyde de soufre et de nuages de silicate dans l’atmosphère d’une Super-Neptune

Une équipe internationale de scientifiques, dirigée par le Département d’Astrophysique du CEA, a observé pour la première fois en infrarouge moyen l’atmosphère enflée de l’exoplanète WASP-107b grâce au télescope spatial James Webb. Les scientifiques ont découvert non seulement de la vapeur d’eau et du dioxyde de soufre, mais aussi des nuages de sable silicatés, et surtout, aucune trace de méthane. Mis à part la vapeur d’eau, ces découvertes étaient inattendues en considérant les modèles planétaires développés jusqu’alors. Grâce à cette super-Neptune, dont l’atmosphère est peu dense et se révèle être très dynamique, la science des exoplanètes évolue et se perfectionne.

 

Les résultats de l’étude sont publiés dans la prestigieuse revue Nature.

 

La Super-Neptune WASP-107b

Figure 1 – Illustration d’artiste de WASP-107b et de son étoile hôte. Elle est si proche qu’elle subit des conditions d’irradiation extrêmes par rapport aux planètes de notre Système solaire. Son atmosphère est même en train de s’évaporer.
Crédit : LUCA School of Arts, Belgium / Klaas Verpoest

WASP-107b est une géante gazeuse orbitant autour de l’étoile WASP-107, à environ 212 années-lumière de la Terre, dans la constellation de la Vierge. Elle a été découverte en 2017 par la méthode des transits, c’est-à-dire par la mesure de légères diminutions de luminosité de l’étoile lorsque la planète passe entre elle et nous. Son orbite est très petite, environ 10 fois plus faible que celle de Mercure autour du Soleil. Cette proximité fait que sa période orbitale est très courte, environ 5,7 jours, ce qui nous permet d’observer son transit en quelques heures. En outre, l’exoplanète a une atmosphère enflée, c’est-à-dire qu’elle a un volume anormalement élevé par rapport aux géantes gazeuses du Système solaire. Pour une masse similaire à celle de Neptune, WASP-107b possède une taille approchant presque celle de Jupiter ! C’est pour cela que l’on définit WASP-107b comme étant une Super-Neptune. Cette caractéristique permet aux astronomes d’explorer son atmosphère environ 50 fois plus profondément que pour une géante du Système solaire car les signatures moléculaires mesurées dans les spectres sont plus prononcées dans une atmosphère moins dense que dans celles plus compactes.


Des résultats qui défient les modèles atmosphériques

Figure 2 – Composition atmosphérique de WASP-107b obtenu grâce au spectromètre de basse résolution LRS de MIRI. Les bandes spectrales colorées en bas de l’image représentent les bandes caractéristiques des molécules détectées : En rouge, il s’agit de l’eau à l’état vapeur (H20), en bleu du sulfure de dioxyde (S02) et en jaune, le continuum du silicate (Si02). Le meilleur modèle atmosphérique représentatif des observations faites avec MIRI (points blancs) est dessiné en ligne orange.
Crédits : Michiel Min / European MIRI EXO GTO team / ESA / NASA

En janvier 2023, l’équipe d’astronomes européens a pointé le télescope spatial James Webb pendant 8 heures vers l’étoile WASP-107 afin d’observer le transit de la Super-Neptune avec le spectromètre basse résolution LRS de l’instrument MIRI. Cette mesure permet d’obtenir le spectre atmosphérique de la planète, riche d’informations sur la composition chimique (molécules présentes), la physique (température et pression) et la dynamique (mouvement) de l’atmosphère.

« Pour cette observation, nous avons utilisé l’instrument MIRI qui a permis d’obtenir pour la première fois le spectre de transmission dans l’infrarouge moyen de la Super-Neptune WASP-107b. » Précise Pierre-Olivier Lagage, co-responsable du consortium européen MIRI et directeur du département d’Astrophysique du CEA-Saclay. « Ces observations ont été réalisées dans le cadre du programme d’observations en temps garanti du consortium MIRI »

Et les résultats obtenus de l’exoplanète WASP-107b défient tous nos modèles atmosphériques !

« Les résultats étaient inattendus ! » a déclaré l’auteure principale, Achrène Dyrek, chercheuse au CEA-Saclay. « Le JWST permet de caractériser en profondeur l’atmosphère d’une exoplanète faisant ainsi évoluer nos modèles atmosphériques développés jusqu’alors. »

Ensuite, la découverte de dioxyde de soufre (connu pour son odeur d’allumettes brûlées) a été une surprise majeure. En effet, les modèles atmosphériques prédisent que le soufre devrait plutôt être sous forme de sulfure d’hydrogène qui est bien plus stable dans les planètes à température modérée, autour de 500 °C, comme WASP-107b. Cette détection indique donc que des processus chimiques de dissociation des molécules d’eau et de recombinaison avec le soufre en haute altitude sont à l’œuvre. Ces réactions chimiques sont générées par l’irradiation de l’étoile qui fournit l’énergie suffisante à travers des photons de hautes énergies pour dissocier les molécules ; c’est ce qu’on appelle la photodissociation. La première découverte de tels processus a été avec la planète WASP-39b.

Ce qui surprend ici, c’est que l’étoile WASP-107 est trop froide pour émettre suffisamment de photons énergétiques pour produire du dioxyde de soufre dans l’atmosphère de WASP-107b. Alors pourquoi a-t-on détecté du dioxyde de soufre ? L’une des hypothèses serait que le gonflement même de l’atmosphère de la planète permettrait au peu de photons énergétiques de l’étoile de pénétrer profondément à l’intérieur, permettant ainsi la création de dioxyde de soufre.

Mais ce n’est pas tout : L’intensité des signatures spectrales du dioxyde de soufre et de la vapeur d’eau sont considérablement réduites par rapport à ce qu’elles seraient dans un scénario sans nuages. A partir de ce constat, nous pouvons affirmer que des nuages en haute altitude sont susceptibles de masquer partiellement la vapeur d’eau et le dioxyde de soufre présents dans l’atmosphère. Bien que la présence de nuages ait été prédite au cours des dernières années, c’est la première fois que les astronomes peuvent identifier avec certitude la composition chimique de ces nuages. Dans le cas présent, nous pouvons voir sur la figure 2, entre 8 et 11 µm, la présence de silicate (MgSiO3, SiO2, et SiO), substance familière à l’homme car il s’agit de l’un des constituants principaux du sable. Ce sont ces petites particules de silicate qui constituent les nuages en haute altitude de l’atmosphère de WASP-107b.
A nouveau, les modèles traditionnels n’expliquent pas ce phénomène. Ils prédisent que de tels nuages ne peuvent se former en hautes altitudes que pour les planètes gazeuses atteignant des températures de l’ordre de 1000 degrés Celsius. Or, dans les planètes comme WASP-107b, a température basse, de tels nuages ne peuvent se former en haute altitude, mais plus profondément dans l’atmosphère, où les températures sont nettement plus élevées. En outre, les nuages de sable situés en altitude pleuvent. Alors comment ces nuages de sable peuvent-ils donc exister à haute altitude et perdurer ?

Selon Michiel Min, chercheur à l’Institut néerlandais SRON, « le fait que nous observions ces nuages de sable en altitude doit signifier que les gouttelettes de pluie de sable s’évaporent dans des couches plus profondes et très chaudes et que la vapeur de silicate qui en résulte est efficacement remontée, où elle se recondense pour former à nouveau des nuages de silicate. Ce phénomène est très similaire au cycle de la vapeur d’eau et des nuages sur notre Terre, mais avec des gouttelettes de sable. »

Nous pensons donc que ce cycle continu de sublimation et de condensation par transport vertical est responsable de la présence durable de nuages de sable en haute altitude dans l’atmosphère de WASP-107b.

Cette recherche pionnière éclaire non seulement sur le monde exotique de WASP-107b, mais repousse également les limites de notre compréhension des atmosphères exoplanétaires. Elle marque une étape importante dans l’exploration des exoplanètes, en révélant l’interaction complexe entre l’étoile et les conditions physico-chimiques à l’œuvre dans l’atmosphère de ces mondes lointains.

« Le JWST révolutionne la caractérisation des exoplanètes en fournissant des informations sans précédent à une vitesse remarquable. » Déclare Leen Decin, chercheuse à l’Institut KU Leuven. « La découverte de nuages de sable, d’eau et de dioxyde de soufre sur cette exoplanète enflée est une étape cruciale. Elle modifie notre compréhension de la formation et de l’évolution des planètes et jette un nouvel éclairage sur notre propre système solaire. »

 

TRAPPIST-1, la saga continue ! Le JWST vient de mesurer l’émission thermique de TRAPPIST-1 c, la petite soeur de TRAPPIST-1 b

À l’aide du télescope spatial James Webb, un groupe d’astronomes dirigé par le MPIA (Max Planck Institute for Astronomy), en collaboration avec une équipe du Département d’Astrophysique du CEA Paris-Saclay, a recherché une atmosphère sur l’exoplanète rocheuse TRAPPIST-1 c. Bien que la planète soit presque identique à Vénus en termes de taille et de température, son atmosphère s’est révélée très différente. En analysant la chaleur émise par la planète, ils ont conclu qu’elle pourrait n’avoir qu’une atmosphère ténue contenant un minimum de dioxyde de carbone. Toutefois, cette mesure est également compatible avec une planète rocheuse stérile dépourvue d’une atmosphère significative. Ces travaux nous permettent de mieux comprendre comment les atmosphères des planètes rocheuses en orbite autour d’étoiles de faible masse peuvent résister aux vents stellaires puissants et au rayonnement UV intense.

Ces résultats sont publiés dans la prestigieuse revue Nature.

 

Cette article est la suite de l’article sur TRAPPIST-1 b.

 

Les étoiles de faible masse peuvent éroder les atmosphères planétaires

Figure 1 – Les mesures détaillées des propriétés physiques des sept planètes rocheuses TRAPPIST-1 (en haut – illustration d’artiste) et des quatre planètes terrestres de notre système solaire (en bas) aident les scientifiques à trouver des similitudes et des différences entre les deux familles de planètes.
Crédit: NASA/JPL

Après avoir étudié l’émission thermique de la planète TRAPPIST-1 b qui a montré qu’elle est probablement dépourvue d’atmosphère (cf. l’article sur TRAPPIST-1 b), les astronomes, en collaboration avec le CEA Paris-Saclay, ont pointé le JWST vers sa petite soeur, TRAPPIST-1 c, en utilisant la même méthode d’observation.

« Le système planétaire TRAPPIST-1, situé à proximité, est actuellement le meilleur candidat pour étudier les atmosphères des planètes rocheuses semblables à la Terre en orbite autour d’une naine rouge », explique Sebastian Zieba, chercheur en thèse à l’Institut Max Planck d’astronomie de Heidelberg, en Allemagne. Il est l’auteur principal de l’article.

Les astronomes ont pendant longtemps soupçonné TRAPPIST-1 c d’être un analogue de Vénus (cf. Figure 1). En effet, à l’instar de cette dernière, le diamètre et la masse de TRAPPIST-1 c sont proches de ceux de la Terre et le rayonnement reçu de son étoile est presque identique à celui de Vénus. Toutefois, l’étoile autour de laquelle tourne TRAPPIST-1 c est une naine rouge ultra froide. Les étoiles du même type que Trappist-1a présentent une forte activité stellaire, susceptible d’éroder l’atmosphère de leurs planètes. Néanmoins, étant plus massive que la Terre, son attraction gravitationnelle à sa surface est supérieure, ce qui devrait contribuer à la conservation de son atmosphère malgré les conditions.

« Nous voulions savoir si TRAPPIST-1 c avait échappé à ce destin et avait pu conserver une atmosphère substantielle, voire être semblable à la planète Vénus dans le système solaire », ajoute Sebastian Zieba.

La température, une mesure compliquée, même pour le JWST

Figure 2 – Cette image illustre la courbe de phase d’une planète, soit la variation de luminosité globale du système étoile-planète au cours de la révolution de la planète. Dans le cas d’une planète gravitationnellement verrouillée par les forces de marée, son côté jour, soit la face éclairée et chauffée par l’étoile, n’est visible que juste avant et après son passage derrière l’étoile (éclipse).
Crédit : ESA

TRAPPIST-1 c est gravitationnellement verrouillée par les forces de marée, c’est-à-dire qu’elle présente toujours la même face à son étoile. Il en résulte que la durée du jour est la même que celle d’une année (environ 2,42 jours terrestres) et qu’il y a deux hémisphères distincts, l’un en permanence éclairé et l’autre plongé dans une nuit éternelle. De plus, son orbite est orientée de telle sorte que, de notre point de vue, la planète passe devant son étoile à chaque révolution (cf. Figure 2). Cela permet d’observer la planète pendant un transit (passage de la planète devant son étoile) et juste avant et après une éclipse (lorsque la planète passe derrière son étoile). Cette dernière position permet d’observer le côté éclairé de la planète et donc de mesurer son émission thermique ainsi que les caractéristiques de l’atmosphère qui l’entoure.

 

Dans tous les cas, la caractérisation de l’atmosphère des planètes rocheuses de la taille de la Terre est une tâche difficile en raison de la faible luminosité de la planète par rapport à celle de l’étoile, même pour le télescope spatial James Webb (JWST). C’est pourquoi l’équipe a combiné l’observation de quatre éclipses de TRAPPIST-1 c afin d’accumuler un maximum de signal. Ils ont utilisé l’instrument MIRI dont la vision dans l’infrarouge moyen est parfaitement adaptée pour détecter l’émission thermique comme une planète. Le filtre utilisé était centré à 15 µm, correspondant à une longueur d’onde caractéristique de la bande d’absorption du CO2.

TRAPPIST-1 c pourrait avoir une fine atmosphère

Figure 3 – Ce graphique compare la luminosité mesurée de TRAPPIST-1 c aux données de luminosité simulées pour trois scénarios différents. La mesure (diamant rouge) est compatible avec une surface rocheuse nue sans atmosphère (ligne verte) ou une atmosphère très fine de dioxyde de carbone sans nuages (ligne bleue). Une atmosphère épaisse riche en dioxyde de carbone avec des nuages d’acide sulfurique, similaire à celle de Vénus (ligne jaune), est peu probable.
Crédits : NASA, ESA, CSA, Joseph Olmsted (STScI)

La pression et la composition d’une atmosphère déterminent la température d’une planète en fonction de la lumière qu’elle reçoit de son étoile. Inversement, la température détermine la quantité de lumière infrarouge émise par la planète. Ainsi, les mesures infrarouges combinées à des modèles atmosphériques fournissent des indices sur l’atmosphère et sa composition.

Contrairement aux attentes des astronomes, les températures n’atteignent “que” 110 °C, soit 390 °C de moins que sur Vénus. La lumière infrarouge émise par TRAPPIST-1 c ne correspond pas à une atmosphère vénusienne, riche en dioxyde de carbone provoquant un fort effet de serre (cf. Figure 3).

« Nous pouvons définitivement exclure une atmosphère épaisse et semblable à celle de Vénus », déclare Laura Kreidberg, responsable scientifique du programme d’observation du JWST, coauteure et directrice du MPIA.

TRAPPIST-1 c possède-t-elle au moins une fine enveloppe gazeuse ? Pour explorer cette possibilité, les scientifiques ont calculé la probabilité statistique qu’un ensemble de paramètres atmosphériques corresponde aux observations. Ce modèle atmosphérique comprend une gamme de pressions de surface et des mélanges d’une atmosphère dominée par l’oxygène (O2) avec des traces variables de dioxyde de carbone (CO2). En effet, les astronomes pensent que les planètes comme TRAPPIST-1 c devaient posséder une atmosphère contenant du dioxyde de carbone et de la vapeur d’eau au début de leur évolution. Au fil du temps, le rayonnement stellaire décompose les molécules d’eau en hydrogène et en oxygène. Alors que l’hydrogène, très volatil, s’échappe progressivement dans l’espace, les molécules d’oxygène, plus lourdes, subsistent, ce qui donne une atmosphère riche en oxygène avec des traces de dioxyde de carbone.

Bien que ces premières mesures ne fournissent pas d’informations définitives sur la nature de TRAPPIST-1 c, elles permettent de limiter les possibilités.

« Nos résultats sont cohérents avec le fait que la planète soit un rocher nu sans atmosphère, ou qu’elle ait une atmosphère de CO2 très fine (plus fine que celle de la Terre ou même de Mars) sans nuages », a déclaré S. Zieba. « Si la planète avait une atmosphère de CO2 épaisse, nous aurions observé une éclipse secondaire très peu profonde, voire aucune. En effet, le CO2 aurait absorbé toute la lumière de 15 microns, de sorte que nous n’en aurions détecté aucune en provenance de la planète. »

Ce résultat ouvre certaines perspectives car les étoiles froides ont une durée de vie de l’ordre de 10 milliards d’année et une jeunesse particulièrement active, et pour le moment on ne sait pas si des petites planètes autour de telles étoiles peuvent garder une atmosphère pendant plusieurs milliards d’années (~7 milliards pour TRAPPIST-1).

« Ce résultat est vraiment très intéressant, dans le cas de TRAPPIST-1 b, la température mesurée à 15 microns était en accord avec une planète dénuée d’atmosphère (Greene et al. 2023), mais là avec TRAPPIST-1 c, la mesure nous laisse espérer la présence d’une fine atmosphère composée d’un mélange d’oxygène et de carbone », se réjouit Elsa Ducrot, chercheuse au CEA Paris-Saclay, troisième auteure de l’article.

Prochaines étapes

Les signaux mesurés dans cette étude sont faibles et de nombreuses propriétés sont encore inconnues, ce qui entraîne des incertitudes.

« Les observations d’atmosphères minces de planètes rocheuses poussent le JWST à ses limites », admet Kreidberg

D’autres observations du JWST sont donc nécessaires pour distinguer une planète rocheuse stérile d’une planète dotée d’une atmosphère ténue. En mesurant la lumière émise par TRAPPIST-1 c dans une large gamme de longueurs d’onde, les astronomes peuvent détecter de petites signatures d’absorption des gaz présents dans l’atmosphère.

« Nous avons obtenu du temps d’observation sur le JWST pour mesurer la courbe de phase combinée de TRAPPIST-1 b et c. Cela devrait nous permettre d’identifier de manière plus définitive si l’une des deux planètes (ou les deux !) possède une atmosphère », précise Elsa Ducrot.

En effet, De plus, une atmosphère
substantielle, quelle que soit sa composition, redistribue la chaleur du
côté jour vers le côté nuit, ce qui fait que la température du côté
jour est plus basse qu’elle ne le serait sans atmosphère (cf. Figure 4).

Le JWST vient d’effectuer une mesure historique : la première mesure de l’émission thermique d’une planète rocheuse tempérée

Situé à environ 40 années-lumière, le système TRAPPIST-1 est un système constitué de sept planètes rocheuses de type terrestre. Il fascine les astrophysiciennes et astrophysiciens depuis sa découverte en 2016 par bien des aspects. Il a été observé sans relâche par de nombreux télescopes au sol et dans l’espace. Le JWST a récemment permis de franchir une nouvelle étape dans notre quête insatiable des exoplanètes : mesurer directement la température d’une exoplanète rocheuse tempérée ! Cette mesure historique permet de penser que si la planète TRAPPIST-1-b, la plus proche de son étoile (une naine ultra froide), une atmosphère peu épaisse, sans ou avec très peu de CO2.


Ces résultats sont publiés dans la prestigieuse revue Nature


TRAPPIST-1, un système stupéfiant

Figure 1 : Système planétaire de TRAPPIST-1 en comparaison avec le système solaire interne.
Crédit : Emmanuelle MICHEL / AFP

Le système TRAPPIST-1 est un système tout à fait stupéfiant. Tout d’abord, son étoile hôte est une naine rouge ultra froide (de type M) : sa température effective est deux fois moins élevée que celle du Soleil car sa masse et sa taille qui ne sont que d’environ 10% des valeurs solaires. Son cortège de planètes est constitué de 7 rocheuses dont les tailles et les masses sont comparables à celles de la Terre (entre 0,77 et 1,15 R⊕ et entre 0,33 et 1,16 M⊕). Enfin, ce système est très compact, les planètes sont beaucoup plus proches de leur étoile que Mercure ne l’est du Soleil ; La plus lointaine étant 6 fois plus proche (cf. Figure 1). Une telle compacité implique une forte interaction gravitationnelle entre les planètes. Sans cesse, elles sont ralenties ou accélérées dans leur course par leurs voisines. On appelle cela la variation des temps de transit (TTV). Cette proximité engendre une résonance dite de Laplace, c’est-à-dire que les planètes sont couplées gravitationnellement par 3, créant une chaîne de 3 par 3 exoplanètes : TRAPPIST-1 c est influencée par les planètes b et d, TRAPPIST-1-d par c et e, et ainsi de suite). Cette résonance peut être observée dans notre système solaire : Les lunes de Jupiter. En effet, Io, Europa et Ganymède sont également en résonance de Laplace, leurs périodes sont commensurables.

 

« Il est plus facile de caractériser les planètes terrestres autour d’étoiles plus petites et plus froides. Si nous voulons comprendre l’habitabilité autour des étoiles M, le système TRAPPIST-1 est un excellent laboratoire. Ce sont les meilleures cibles dont nous disposons pour étudier l’atmosphère des planètes rocheuses »

Explique Elsa Ducrot astrophysicienne au Département d’Astrophysique (DAp) du CEA Paris-Saclay.

Une découverte jalonnée de surprise

Figure 2 : Le télescope TRAPPIST-Sud est installé à l’Observatoire de l’ESO de La Silla (Chili).
Crédit: E. Jehin/ESO

En 2016, une campagne d’observation d’exoplanètes a été initiée dans le cadre du programme SPECULOOS (Search for habitable Planets EClipsing Ultra-cOOl Stars) dont le but était d’observer les naines rouges les plus brillantes dans le ciel à la recherche de planètes de type terrestre dans la zone habitable de leur étoile. Ces petites étoiles offrent plusieurs avantages pour les chasseurs d’exoplanètes : 1. Elles sont statistiquement plus nombreuses dans le ciel. 2. Leur petite taille permet d’observer plus facilement des planètes de type terrestre car le ratio disque planétaire sur disque stellaire est bien plus grand (de l’ordre de 1%). 3. La très faible température effective de l’étoile implique une zone habitable plus proche d’elle. Or, une planète plus proche implique une période orbitale plus courte et donc des transits plus nombreux. SPECULOOS a commencé son programme d’observation avec le petit télescope de 60 cm de diamètre nommé TRAPPIST-Sud (TRAnsiting Planets and PlanetesImals Small Telescope–South), situé au Chili (hémisphère sud).

Le 2 mai 2016, trois planètes sont détectées par TRAPPIST-Sud autour d’une naine rouge ultra froide. Etant le premier système observé par cet instrument, on nomme alors ce système « TRAPPIST-1 ». Aussitôt, l’équipe de chercheuses et de chercheurs du programme SPECULOOS demande du temps d’observation avec le télescope spatial Spitzer pendant 20 jours consécutifs afin d’approfondir les recherches. Et quelle ne fut pas leur surprise de découvrir par transit quatre autres planètes, plus éloignées de leur étoile que les précédentes. Le cumul des observations de ces planètes devant leur étoile permet de connaitre la dynamique du système, à partir de laquelle les scientifiques ont pu déduire par le calcul la présence de la septième planète, comme Le Verrier l’avait fait avec Neptune en 1846 en observant les mouvements de Uranus. La chorégraphie planétaire permet également de déduire précisément la masse des planètes à partir des TTV. Quant aux rayons des planètes, elles sont déduites par la quantité de lumière obstruée pendant le transit. Connaissant les masses et les rayons, on calcule facilement la densité moyenne des planètes qui nous permet d’intuiter la nature de leur composition. En moyenne, elles sont 9% moins denses que la Terre. On peut alors imaginer des planètes avec un cœur comme celui de la Terre mais plus riche en vapeur d’eau, ou alors un cœur appauvri en fer, ou bien un cœur non différencié (sans noyau). Nous ne disposons pas encore assez d’information aujourd’hui pour discriminer les modèles planétaires.  

Après l’étude de la mécanique orbitale du système, place à la caractérisation des atmosphères. Le télescope spatiale Hubble est alors mis à contribution. Les observations ont permis d’affirmer qu’aucune planète n’avait d’atmosphère primaire, c’est-à-dire riche en hydrogène comme Jupiter, mais ne nous a pas permis de confirmer la présence d’atmosphère secondaire (comme Vénus ou la Terre), ni de déterminer sa composition.

L’observation de l’atmosphère : Le JWST à la rescousse

Figure 3 : Courbe de lumière montrant le changement de luminosité du système TRAPPIST-1 lorsque la planète la plus interne, TRAPPIST-1 b, se déplace derrière l’étoile. Ce phénomène est connu sous le nom d’éclipse secondaire.

Crédits : NASA, ESA, CSA, J. Olmsted (STScI) ; Science : Thomas Greene (NASA Ames), Taylor Bell (BAERI), Elsa Ducrot (CEA), Pierre-Olivier Lagage (CEA) et Achrène Dyrek (CEA)

Au cours de sa ronde, deux moments sont propices à l’observation de l’atmosphère d’une exoplanète depuis la Terre (cf. Figure 3) : lorsque la planète passe devant son étoile (transit) et juste avant qu’elle ne disparaisse derrière (éclipse secondaire). La première position permet de mesurer le spectre de transmission de l’atmosphère. On le déduit en soustrayant le spectre mesuré lors d’un transit au spectre stellaire hors transit. Cette mesure est très difficile car la diminution de l’intensité stellaire liée à l’absorption par l’atmosphère est de l’ordre de quelques dixièmes voire centièmes de pourcent… Inutile de dire que cela représente un challenge, d’autant plus que la surface de l’étoile, en particulier d’une naine rouge, peut contenir de nombreuses tâches et facules liées à l’activité magnétique de l’étoile. La seconde position permet de mesurer le spectre émis par la planète. Cette mesure est encore plus compliquée à obtenir car la lumière émise par la planète est extrêmement faible par rapport à celle de l’étoile. Néanmoins, elle permet d’obtenir directement la température de brillance de la planète (émission du corps noir) sans contamination par les hétérogénéités de la surface stellaire.

En émission, il est préférable d’observer la planète dans l’infrarouge (IR) pour deux raisons. Premièrement, après avoir absorbé essentiellement le rayonnement visible/proche IR de l’étoile, une planète réémet dans le moyen IR (MIR). L’étoile quant à elle, étant beaucoup plus chaude à cause des réactions nucléaires en son cœur, son spectre est davantage vers les plus courtes longueurs d’onde, avec donc une plus faible contribution dans l’IR. Le contraste d’observation est alors meilleur que dans le visible. Deuxièmement, les molécules que l’on souhaite détecter, comme le dioxyde de carbone (CO2) par exemple, ont leurs signatures spectrales particulièrement marquées dans l’IR.

 

C’est donc tout naturellement que les scientifiques se sont tournés vers le nouvel observatoire spatial : le JWST. Son œil de 6,5 m de diamètre permet non seulement de collecter beaucoup plus de lumière mais tout l’observatoire est optimisé pour observer dans le proche et moyen IR. Il est donc parfait pour regarder les autres mondes rocheux tempérés et percer leurs mystères.

 

Un focus particulier est fait sur la planète TRAPPIST-1 b car étant la plus proche de son étoile, elle émet davantage en IR thermique que les autres. Deux campagnes d’observation de l’émission de la planète par imagerie à filtre étroite ont été programmées : la première, menée par une équipe de la NASA en collaboration avec une équipe du CEA Paris-Saclay, se fait avec l’imageur MIRIm, développé au CEA Paris-Saclay, avec le filtre à λ=15 µm. Et la seconde observation est avec le filtre λ=12,8 µm, et sera menée par l’équipe du CEA Paris-Saclay cette fois-ci, en collaboration avec la même équipe de la NASA. A partir de simulations numériques, les scientifiques ont estimé que cinq transits (soit ~25h d’observation avec le JWST) suffisent pour mesurer l’émission de la planète avec un signal sur bruit significatif, c’est-à-dire un signal suffisamment intense pour affirmer que l’observation vient de la planète et non des erreurs de mesure des instruments. Les filtres à λ=15 µm et λ=12,8 µm n’ont pas été choisis au hasard : en deux mesures, ces longueurs d’onde permettent de suggérer la présence d’une atmosphère, et si oui, si elle contient ou non du CO2 qui possède une bande d’absorption caractéristique à 15 µm.  

Des résultats chauds !

Figure 4 : Ce graphique compare la température du côté jour de TRAPPIST-1 b, mesurée par l’instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) de Webb, à des modèles informatiques de ce que serait la température dans diverses conditions (avec et sans atmosphère). La température de Mercure et de la Terre sont indiquée à titre de référence. La luminosité du côté jour de TRAPPIST-1 b à 15 microns correspond à une température d’environ 500 Kelvin. Cela signifie que la mesure de la température de brillance de la planète à 15 microns avec le JWST est théoriquement en accord avec la valeur attendue pour une planète possédant une surface sombre et ayant peu ou pas d’atmosphère. Des observations dans des longueurs d’onde différentes sont nécessaires pour confirmer ce résultat.  
Crédits : Illustration : NASA, ESA, CSA, J. Olmsted (STScI) ; Science : Thomas Greene (NASA Ames), Taylor Bell (BAERI), Elsa Ducrot (CEA), Pierre-Olivier Lagage (CEA) et Achrène Dyrek (CEA)

Pour la première fois, une équipe de scientifique a réussi à observer l’émission thermique d’une planète rocheuse tempérée ! Le signal cumulé des 5 transits avec l’imageur MIRIm à 15 µm a permis d’atteindre un seuil de confiance de 8,7 sigma sur le résultat, soit presque trois fois plus pour qu’il n’en faut pour affirmer qu’un résultat est significatif.

« Avec le télescope Spitzer dans le proche infrarouge nous n’avions aucune détection même en combinant 28 occultations de TRAPPIST-1 b, avec MIRI on voit l’occultation de la planète en une seule visite !  »

S’exalte Elsa Ducrot au vu de ce résultat.

La luminosité mesurée du côté jour de TRAPPIST-1 b correspond à une température d’environ 503 K +/-26 K. Pour savoir si la planète a ou non une atmosphère, on compare cette valeur mesurée à des valeurs théoriques correspondant à divers modèles planétaires dans diverses conditions, basés sur nos connaissances du système, comme la température de l’étoile, la distance orbitale de la planète, et le fait que celle-ci soit verrouillée gravitationnellement par effets de marée, c’est-à-dire que les planètes présentent toujours la même face à leur étoile, comme la Lune avec la Terre.

 

On constate que la température mesurée est très proche de celle d’un corps noir parfait (albédo proche de zéro), soit un corps tellement sombre qu’il absorbe toute la lumière de son étoile. On peut également affirmer qu’il n’y a pas ou très peu d’atmosphère. Si la planète avait une atmosphère, la température aurait été inférieure à celle mesurée car la chaleur reçue de l’étoile se serait redistribuée dans l’ensemble de l’atmosphère planétaire, faisant ainsi baisser la température côté jour, jusqu’à une centaine de degré. Enfin, nous pouvons également affirmer qu’il n’y a pas de CO2. Si l’atmosphère en contenait une quantité même petite, elle émettrait significativement moins de lumière à 15 microns et semblerait encore plus froide car le CO2 absorbe le rayonnement à cette longueur d’onde ; c’est le principe de l’effet de serre. La figure 4 illustre la température de TRAPPIST-1 b mesurée en la comparant aux modèles avec et sans atmosphère ainsi que la température de la Terre et de Mercure comme références. On remarque alors qu’étant bien plus proche de son étoile, TRAPPIST-1 b est pourtant plus froide que Mercure, qui se compose de roches nues et d’aucune atmosphère significative, car elle reçoit environ 1,6 fois plus d’énergie du Soleil que TRAPPIST-1 b n’en reçoit de son étoile.

« Il y a une cible dont je rêvais”. C’était celle-ci. C’est la première fois que nous pouvons détecter les émissions d’une planète rocheuse et tempérée. C’est une étape vraiment importante dans l’histoire de l’étude des exoplanètes »

S’enthousiasme Pierre-Olivier Lagage, astrophysicien au CEA et directeur du DAp, qui a travaillé au développement de l’instrument MIRI pendant plus de vingt ans.

Une enquête à suivre…

Figure 5 : Représentation schématique d’un transit planétaire. (a) est le transit primaire, (b) est le transit secondaire.

En juillet 2023, l’imageur MIRIm aura terminé d’effectuer ces cinq observations nécessaires de TRAPPIST-1 b à 12,8 µm. Ce deuxième point de mesure de la température permettra de contraindre d’avantage les modèles atmosphériques et ainsi de confirmer ou non le scénario proposé dans cette première étude.
Et les scientifiques ne comptent pas s’arrêter là ! Plusieurs demandes de temps viennent d’être déposées afin d’observer la courbe de phase (cf. Figure 5), c’est-à-dire suivre la luminosité émise par la planète au cours de sa course autour de son étoile et non plus juste lors de certaines positions (cf. Figure 3). On pourra ainsi mieux suivre l’évolution de la température côté jour et nuit vérifiant l’hypothèse de l’absence d’atmosphère redistribuant la chaleur. Un autre projet est de prendre un spectre de surface de TRAPPIST-1 b via l’instrument LRS de MIRI pour en connaitre sa composition.

La petite sœur TRAPPIST-1 c n’est pas en reste : Quatre éclipses secondaires de la planète ont été observées avec MIRIm à 15 microns. L’article a récemment été accepté et sortira très prochainement ! A suivre au prochain épisode…

« Tout juste un an après son lancement, le JWST nous ouvre déjà les portes des mondes inexplorés. J’ai si hâte de découvrir tout le travail pionnier qu’il va nous permettre d’accomplir dans les années, voire même dans les décennies à venir. J’ai l’impression de presque toucher du doigt une planète rocheuse comme Mercure ou Vénus mais située à presque 40 années-lumière de la Terre. C’est une chance inestimable ! »

S’émerveille Achrène Dyrek, en troisième année de thèse au DAp.

JWST